Les enfants et les adolescents québécois victimes de violence sexuelle n’ont jamais été aussi nombreux à demander de l’aide.

En un sens, c’est une « bonne nouvelle », explique la directrice générale de la Fondation Marie-Vincent, Stéphanie Gareau, puisque « plus on fait de prévention, plus les gens sont sensibles ; le corollaire de ça, c’est qu’il y a plus de signalements et plus de demandes d’aide ».

Mais il y a une mauvaise nouvelle : à l’heure actuelle, près de 500 enfants attendent de recevoir des services thérapeutiques au Centre d’expertise Marie-Vincent. L’explosion des demandes d’aide a fait gonfler sa liste d’attente.

En d’autres mots, ces jeunes victimes doivent patienter deux ans avant d’avoir accès à un psychothérapeute spécialisé dans la violence sexuelle. « Deux ans d’attente, pour nous, c’est inacceptable », insiste Mme Gareau.

La porte-parole de la Fondation, l’actrice Mélissa Désormeaux-Poulin, rappelle de son côté que « malgré notre indignation et notre prise de conscience collective face à la violence faite aux enfants dans les dernières années, les signalements à la direction de la protection de la jeunesse continuent d’augmenter ».

« Ça ne se résorbe pas »

En 2019-2020, près de 120 000 signalements ont été traités, ce qui représente une augmentation de 12 % par rapport à l’année précédente. Cela équivaut à 324 situations d’enfants qui sont signalées par jour au Québec. « C’est beaucoup trop », écrit-elle dans une lettre ouverte publiée ce samedi dans notre section Débats.

Depuis 2017 – année où la première vague #metoo a déferlé – le Centre d’expertise Marie-Vincent observe une hausse des demandes d’aide. « On a vu exploser les demandes avec #metoo et depuis, ça ne se résorbe pas. On constate que cette tendance se maintient », souligne Mme Gareau, DG de la fondation du même nom.

Le Centre d’expertise Marie-Vincent offre sous un même toit entrevue d’enquête policière, examen médical, services psychosociaux et thérapeutiques. Les services sont gratuits. Le Centre est financé par des fonds publics et des dons privés. Il traite chaque année de 300 à 400 enfants de la grande région de Montréal.

Pour faire fondre sa liste d’attente, le Centre voulait offrir un nouveau service de thérapies de groupe aux enfants de 6 à 12 ans. Or, la COVID-19 est venue contrecarrer ses plans en raison des rassemblements qui sont désormais interdits.

Alors que des centaines d’enfants poireautent sur la liste d’attente, ils ne sont toutefois pas « laissés complètement dans le néant », tient toutefois à préciser Mme Gareau.

Le Centre offre un service d’intervention psychosociale aux parents pour les aider à mieux accompagner leurs enfants en attendant que ces derniers aient accès à la psychothérapie. « Reste qu’on ne donne pas le service qu’on voudrait donner, aussi vite qu’on le voudrait », résume la DG de la Fondation Marie-Vincent.

Manque de financement

Pour améliorer son offre de service, Marie-Vincent voulait également ouvrir un second centre d’expertise, cette fois-ci à Châteauguay en Montérégie. En effet, entre 25 et 30 % des enfants sur sa liste d’attente vivent sur la Rive-Sud de Montréal.

Or, la pandémie a forcé la Fondation Marie-Vincent à annuler ses événements-bénéfice annuels, le privant du même coup d’environ 750 000 $.

Pour ouvrir ce second centre, le nerf de la guerre, c’est le financement.

Stéphanie Gareau, directrice générale de la Fondation Marie-Vincent

Marie-Vincent évalue avoir besoin d’environ 700 000 $ pour s’attaquer à sa liste d’attente en embauchant des intervenants psychosociaux et des psychothérapeutes à son centre de Montréal (en excluant les coûts de l’ouverture d’un nouveau centre).

« Quand les enfants arrivent chez nous, ils ont un bagage terrible. Ils ont vécu des choses que la majorité des gens ne vivront jamais, raconte Mme Gareau. Notre objectif, c’est de les prendre en main et de nous occuper d’eux avec tous nos partenaires [police, DPJ, etc. ] sous un même toit pour éviter de les barouetter d’un endroit à l’autre ; d’une liste d’attente à une autre et qu’ils aient à répéter chaque fois leur histoire. »