Si vous cherchez la relance verte, ne perdez pas trop votre temps. Elle n’est pas encore tout à fait arrivée. C’est cet automne que le gouvernement Trudeau montrera ses couleurs.

Des débats cruciaux se font en ce moment à l’interne. Ça pourrait bien aller pour l’environnement, ou pas…

Une bonne partie de la réponse devrait venir d’ici décembre dans la mise à jour économique.

Bien sûr, on ne peut pas dire que le gouvernement Trudeau n’a rien fait. Il faut distinguer les mesures immédiates de sauvetage et le plan de relance pour l’après-crise.

Pour les mesures d’urgence, Ottawa a trouvé une façon ingénieuse d’aider les employés de l’industrie pétrolière et gazière, en injectant 1,5 milliard de dollars dans la restauration des puits orphelins. Ils gardent leur travail, mais en nettoyant les dégâts.

Le Crédit d’urgence aux grands employeurs a aussi été rendu conditionnel à la publication d’un rapport sur l’impact sur le climat. Aucune pétrolière ou gazière ne l’a donc demandé.

Enfin, le fédéral n’a pas renoncé à son règlement sur les émissions de méthane, malgré les pressions de l’Alberta, qui réclamait un sursis à cause du triple effet de la crise sanitaire, économique et énergétique.

Mais le plus important et le plus difficile sont à venir.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

« Dans le discours du Trône, Justin Trudeau a fait du Justin Trudeau : beaucoup de mots sentis, peu de gestes concrets », écrit Paul Journet.

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Le printemps dernier, Justin Trudeau répétait que la COVID-19 constituait une « opportunité » pour verdir l’économie. Cela passait mal, ont constaté les stratèges libéraux.

Dans le discours du Trône, Justin Trudeau a fait du Justin Trudeau : beaucoup de mots sentis, peu de gestes concrets. Il a même promis une cible plus exigeante de réduction des gaz à effet de serre, alors que le Canada n’atteint pas encore ses objectifs actuels.

Sans être d’accord sur tout, les environnementalistes s’entendent sur un constat général : les libéraux savent quoi faire pour l’environnement. Le problème n’est pas leur compréhension, mais leur volonté, qui varie selon les saisons. Après tout, Justin Trudeau a osé une tarification nationale du carbone, mais il a aussi nationalisé un oléoduc…

En 2015, Justin Trudeau n’avait qu’à dire qu’il n’était pas Stephen Harper pour séduire les écolos. Aujourd’hui, il peut se comparer à son voisin du Sud pour bien paraître. Le message subliminal : réjouissez-vous, je ne suis pas Donald Trump !

Cela pourrait changer. Le candidat démocrate Joe Biden a promis un plan climatique de 2 billions de dollars américains. Et l’Union européenne a déjà adopté un plan de plus de 1 billion d’euros. C’est plus par habitant que le Canada.

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Il est difficile d’avoir un portrait d’ensemble de la stratégie d’Ottawa.

Pour l’instant, les mesures sont éparpillées, et certaines ont déjà été annoncées sans trop retenir l’attention. Par exemple, au début d’octobre, la Banque de l’infrastructure du Canada a précisé ses investissements à venir de 10 milliards (dont 2,5 milliards pour les énergies propres, 2 milliards pour l’efficacité énergétique des grands bâtiments et 1,5 milliard pour les autobus électriques et les bornes de recharge).

D’autres mesures devraient venir. Selon mes infos, le gouvernement Trudeau ne veut pas attendre le prochain budget, habituellement déposé en mars.

Voici quelques dossiers à suivre :

Normes de consommation d’essence

Stephen Harper et Barack Obama s’étaient entendus pour forcer les constructeurs à vendre des modèles plus écoénergétiques. M. Trump a gelé le programme. Ottawa doit décider s’il le relance et le renforce, peut-être en s’harmonisant avec la Californie.

Véhicules zéro émission

Comme le fait déjà le Québec, Ottawa songe à exiger que les constructeurs offrent un certain seuil de véhicules électriques. Selon le Globe and Mail, le ministre de l’Industrie, Navdeep Bains, s’y opposerait. Cela pourrait toutefois changer à la suite du nouvel investissement fédéral dans une usine de Ford, qui construira cinq nouveaux modèles de véhicules électriques en Ontario.

Efficacité énergétique résidentielle

L’investissement de la Banque de l’infrastructure cible les grands édifices. Le gouvernement pourrait ajouter un projet pour les rénovations résidentielles. C’est une mesure facile à vendre politiquement, car elle stimule l’économie à court terme tout en aidant les propriétaires.

Plantation d’arbres

On attend encore le début d’un détail sur l’engagement électoral de planter 2 milliards d’arbres. Il faudra dire qui le fera, où et à quel coût.

Tarification du carbone

Le directeur parlementaire du budget rappelait la semaine dernière que si rien ne change, Ottawa ratera son objectif de réduction des gaz à effet de serre (GES). Pour atteindre la cible en 2030, il faudrait au moins doubler le prix du carbone à partir de 2022 (de 50 $ à 117 $). Autre option, Ottawa pourrait proposer une hausse plus modeste du tarif et baisser également les GES avec d’autres mesures. Reste que même si le tarif du carbone doublait, cela ne plomberait pas l’économie. La croissance du PIB serait seulement réduite de 0,07 %. Et les recettes de la taxe retourneraient dans les poches des contribuables sous forme de chèque (sauf au Québec, qui réinvestit la cagnotte dans son Fonds vert).

Les néo-démocrates étant faibles, les libéraux pourraient être tentés de pâlir leur plan vert pour mieux courtiser l’électorat conservateur. Mais l’analyse quotidienne des sondages ne devrait pas faire oublier la tendance de fond : les énergies fossiles déclinent et la tarification du carbone fonctionne.

Les libéraux auront-ils l’audace de leurs convictions ? La réponse ne devrait pas tarder.