Les partis de l’opposition à Ottawa font front commun pour exiger du gouvernement Trudeau qu’il assouplisse les restrictions de voyage interdisant à des couples non mariés et des familles de se réunir, depuis le début de la pandémie. Une annonce ministérielle pourrait avoir lieu cette semaine à ce sujet.

C’est une dizaine de députés — toutes formations politiques confondues — qui ont dénoncé samedi « l’injustice » que vivent des milliers de familles, lors d’une conférence virtuelle organisée par Faces of Advocacy (Plaidoyer pour le regroupement familial à la frontière canadienne, en français). L’organisme, qui compte plus de 7200 membres, fait pression sur Ottawa depuis des mois pour obtenir des assouplissements en matière de réunification familiale.

« Plusieurs cas évidents auraient dû être réglés il y a des semaines », a convenu d’emblée le député libéral de Beaches–East York, Nathaniel Erskine-Smith, en précisant qu’il ne parlait pas « au nom du gouvernement ». Il s’est toutefois personnellement excusé pour les temps d’attente « injustifiés » et les non-réponses du ministère de l’Immigration, qui ont suscité « beaucoup de colère ».

C’est frustrant de voir et d’entendre toutes ces histoires, sans qu’une solution soit adoptée rapidement.

Nathaniel Erskine-Smith, député libéral

Au début du mois d’août, le cas de la Canadienne Donna McCall avait marqué les esprits. La femme de 68 ans est décédée des suites d’une longue maladie, après avoir tenté à maintes reprises de faire venir ses enfants au pays, depuis Chicago. « Ils ont finalement dû faire leurs adieux sur FaceTime », a déploré son mari John McCall samedi, visiblement très ému.

Ses enfants ont finalement obtenu le feu vert des autorités fédérales quelques semaines après la mort de leur mère. « Ce ne sont pas des réunions d’affaires. Ce sont des gens. Respectez-nous. Traitez-nous avec compassion », a imploré le veuf de la défunte, au bord des larmes.

Un long processus

Au Canada, seuls les couples mariés ou les conjoints de fait reconnus peuvent se réunir. Jeudi, Ottawa promettait d’accélérer le traitement des demandes de parrainage d’un conjoint ou d’un membre de la famille, en augmentant le nombre d’employés qui examinent les demandes. La bonne nouvelle, affirme Nathaniel Erskine-Smith, est qu’une annonce portant sur de nouvelles exemptions « devrait avoir lieu cette semaine ».

Mais pour la députée conservatrice Michelle Rempel Garner, la réalité est que le gouvernement Trudeau veut que ce feuilleton « disparaisse au plus vite ». Elle craint que les assouplissements qui seront dévoilés ne négligent une forte majorité des familles séparées, et que l’annonce ne soit qu’au au bout du compte très superficielle.

Si on parle vraiment de compassion humaine, toutes les familles du Canada devraient pouvoir se réunir.

Michelle Rempel Garner, députée conservatrice

Par l’entremise des réseaux sociaux, des milliers de couples font connaître leur indignation, au moyen des mots-clics #loveisnottourism et #timetoreunite. En Europe, de nombreux pays, dont la France, le Danemark, la Norvège, la Suisse, les Pays-Bas, l’Autriche, l’Islande et l’Italie, permettent déjà l’entrée des partenaires non mariés des citoyens ou des résidents permanents.

« On ne veut pas rouvrir les frontières, on veut juste être ensemble », martèle le fondateur de Faces of Advocacy, David Poon. Son groupe dit avoir un plan pour assurer la migration des personnes de manière sécuritaire. À leur arrivée, elles s’imposeraient une quarantaine, sous peine de lourdes sanctions. En plus des couples non mariés, les membres de la communauté LGBTQ+ et les jeunes adultes sont « largement défavorisés » par les mesures de restriction, dénonce M. Poon.

Une question de « dignité »

Pour l’élu néo-démocrate dans Rosemont–La Petite-Patrie, Alexandre Boulerice, permettre à ces familles de se retrouver est « une question de dignité, d’humanité et de respect ». Il déplore que le gouvernement fédéral soit « presque paralysé ces jours-ci, ce qui entraîne des délais absolument inacceptables » pour des milliers de citoyens.

Cette crise est stressante, angoissante. Et l’une des manières de passer à travers, c’est justement d’être proche de notre famille.

Alexandre Boulerice, député néo-démocrate

La bloquiste Kristina Michaud, critique en matière de sécurité publique, a quant à elle plaidé pour la mise sur pied immédiate d’une « norme claire », afin que les députés cessent de travailler au « cas par cas » pour faire rapatrier les familles. « C’est une aberration. On prend ces dossiers comme de simples numéros. Ce sont pourtant des humains », a-t-elle conclu, en appelant le gouvernement Trudeau au dialogue.

Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada n’avait toujours pas répondu à nos questions, au moment d’écrire ces lignes.