Alors que la Sûreté du Québec vient de conclure un contrat de 4,4 millions pour acquérir des outils de reconnaissance faciale, les élus de la Ville de Montréal s’inquiètent de l’éventuelle utilisation de cette technologie controversée par les policiers de la métropole.

Le conseil municipal exige que le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) obtienne son autorisation avant d’acquérir et d’utiliser de tels outils de surveillance « invasifs ». Une motion en ce sens a été adoptée mardi lors de la réunion mensuelle des élus municipaux.

« La phrase la plus importante de cette motion est celle qui stipule que personne ne devrait avoir peur d’être espionné par la police », a souligné le conseiller indépendant Marvin Rotrand en présentant cette motion, appuyée par des représentants des deux partis municipaux.

« Nous affirmons le droit de la population à circuler librement dans notre agglomération sans être filmé ou écouté. »

SQ : la reconnaissance faciale débute dans quelques mois

Cette prise de position des élus montréalais survient alors que la SQ vient d’acheter une « solution clés en main » de reconnaissance faciale et d’empreintes digitales de la société française Idemia. Le contrat d’un montant de 4413 915 $ a été conclu le 27 août dernier, à la suite d’un appel d’offres lancé au cours de l’automne 2019.

Les policiers provinciaux devraient commencer à utiliser leurs nouveaux outils au cours des premiers mois de 2021, indique Guy Lapointe, porte-parole de la SQ.

Ils serviront dans le cadre d’enquêtes criminelles pour comparer des images de caméras de surveillance à une base de données comptant des dizaines de milliers de photos signalétiques (mugshots) de personnes ayant un dossier criminel ou ayant fait l’objet d’enquêtes, révélait le corps policier en juin dernier.

Manque de transparence

Marvin Rotrand a dénoncé le manque de transparence du SPVM à ce sujet, pendant l’assemblée du conseil municipal.

Le directeur du SPVM, Sylvain Caron, avait refusé de dire aux membres de la Commission de la sécurité publique de la ville, en novembre 2019, si ses agents utilisaient de telles technologies.

Le conseiller Alex Norris, qui préside cette commission, a dû rappeler à l’ordre Sylvain Caron, dans une lettre envoyée le 21 février dernier. « La Commission est l’instance qui étudie toute question touchant le SPVM et vous êtes tenu de fournir à la Commission tous les renseignements nécessaires à l’exercice de ses fonctions », a-t-il écrit.

Depuis, le SPVM a fourni certaines réponses : ses policiers n’utilisent pas la technologie de reconnaissance faciale de l’entreprise Clearview AI. « L’organisation n’exclut toutefois pas, dans des situations particulières et exceptionnelles, de recourir aux services d’une tierce partie possédant ce type de technologie pour faire avancer une enquête d’envergure, en s’assurant toujours de mener ses opérations et ses enquêtes dans le respect de toutes les lois en vigueur », a indiqué un porte-parole il y a quelques mois.

Mais le conseil municipal veut en savoir plus.

Il invite le SPVM à dévoiler annuellement aux membres de la Commission de la sécurité publique toute utilisation de technologies de surveillance, en révélant notamment ce qui a été fait des données obtenues.

« De telles technologies de surveillance invasives ne devraient jamais être utilisées sans porter une grande attention à l’incidence qu’elles peuvent avoir sur les droits civils, les libertés civiles et les attentes raisonnables des citoyens en matière de protection des renseignements personnels », indique la motion adoptée par le conseil municipal.

« Au cours de l’histoire, certaines activités de surveillance ont été utilisées pour intimider et opprimer certaines communautés et certains groupes plus que d’autres notamment sous des motifs discriminatoires fondés sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques. »