Le plan d’aide d’urgence de 400 millions de dollars du gouvernement du Québec pour pallier les effets de la pandémie dans les transports en commun est cinq fois moins généreux que celui annoncé par le gouvernement de Doug Ford, en Ontario, et presque trois fois moins que celui de la Colombie-Britannique, où l’on compte pourtant deux fois moins d’usagers des transports collectifs.

Selon un document de l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM), responsable du financement des transports collectifs de la région de Montréal, ce plan d’aide prévoit des compensations totales de seulement 227 millions pour les sociétés de transport de la métropole, alors que les revenus perdus pourraient totaliser 960 millions d’ici 2022, dont 870 millions attribuables directement à la pandémie.

L’ARTM chapeaute et finance les services de transports collectifs dans la grande région de Montréal. Depuis 2017, c’est cette entité supramunicipale peu connue du grand public, comptant 126 employés, qui fixe les tarifs et détermine les budgets annuels de la Société de transport de Montréal (STM), du Réseau de transport de Longueuil (RTL), de la Société de transport de Laval (STL) et du réseau exo (trains et autobus de banlieue).

Au moment de l’annonce de ce plan d’aide d’urgence de 400 millions pour les sociétés de transports collectifs de l’ensemble du Québec, annoncé en juin, l’ARTM avait estimé sa part des compensations à 339 millions. En fonction de cette somme, l’organisation a produit un plan de redressement financier sur trois ans qui prévoit des compressions budgétaires totalisant 152 millions dans les quatre réseaux.

Mais l’ARTM n’était pas au bout de ses surprises.

Car quelques semaines plus tard, au moment de la publication des modalités de l’aide d’urgence, l’Autorité a dû réviser ses attentes à la baisse de 112 millions, et ce, pour l’année 2020 seulement. Aucune compensation n’est assurée dans le plan de Québec pour les pertes de revenus prévues en 2021 et 2022.

Un « trou » budgétaire de 204 millions

De plus, les modalités d’application obligent les sociétés de transport à présenter un plan de compressions budgétaires, à offrir en 2021 et 2022 un niveau de service comparable à celui qui était offert avant la pandémie et à fournir une résolution en bonne et due forme démontrant que les contributions municipales qui étaient prévues au budget de 2020 ont été maintenues.

Par contre, le gouvernement interdit aux municipalités d’augmenter leurs contributions aux sociétés de transport au-delà du taux d’inflation pour 2021 et 2022.

Devant cette exigence de Québec, l’ARTM a interdit aux quatre sociétés de transport de la région de Montréal d’utiliser leurs surplus accumulés pour éponger les compressions de dépenses courantes récurrentes.

En fin de compte, l’insuffisance des compensations prévues dans le plan d’aide d’urgence du gouvernement Legault a creusé dans les finances de l’ARTM un « trou » budgétaire additionnel de 204 millions « qui pourrait entraîner des coupures importantes de l’offre de service à la clientèle et porter atteinte à la mission de l’ARTM et à celle des [sociétés de transport de la région de Montréal] ».

Ce trou s’ajoute à des compressions additionnelles de presque 250 millions pour les quatre sociétés de transport, qui devront absorber à même leurs budgets les « coûts de système » et coûts des mesures sanitaires contre la COVID-19.

Ces coûts ne sont pas couverts par le plan d’aide de Québec.

Comparaison gênante

Entre-temps, le 23 juillet, le gouvernement fédéral a annoncé une aide d’urgence de 540 millions pour le réseau de transport de BC Transit, auquel s’est ajoutée une somme équivalente de 540 millions du gouvernement provincial, pour un total de 1,1 milliard. C’est presque trois fois la somme offerte par Québec (dont la moitié, 200 millions, vient du gouvernement fédéral) pour les sociétés de transport de l’ensemble de la province.

Quatre jours plus tard, les gouvernements du Canada et de l’Ontario ont signé un « accord historique » de 4 milliards dans le cadre d’un programme fédéral appelé « Cadre de relance sécuritaire ». La moitié des fonds prévus dans cet accord historique sera investi dans le sauvetage des réseaux de transports collectifs, qui ont souffert de la même désaffection massive de leur clientèle qu’à Montréal (et partout ailleurs dans le monde).

« Les gouvernements de l’Ontario et du Canada investiront en parts égales jusqu’à 2 milliards de dollars pour soutenir les exploitants des réseaux de transports en commun qui connaissent une forte baisse de leurs revenus, indique le communiqué commun diffusé le 27 juillet dernier. Ce financement permettra de faire face aux répercussions financières de la COVID-19 et d’assurer la continuité des services selon une approche sécuritaire. »

Bonnardel contredit l’ARTM

Mardi, plus d’un mois après l’annonce des programmes d’aide de l’Ontario et de la Colombie-Britannique, le cabinet du ministre des Transports du Québec, François Bonnardel, assurait dans un courriel à La Presse que « des discussions sont en cours présentement entre le gouvernement fédéral et le ministère des Finances [du Québec] pour que les sociétés de transport puissent bénéficier d’aides financières supplémentaires ».

« Pour comprendre l’action du gouvernement, estime le cabinet du ministre, il est nécessaire d’avoir une compréhension chronologique de la situation. Le gouvernement du Québec a annoncé son plan de 400 millions à la mi-juin alors qu’on ne savait pas si le gouvernement fédéral apporterait un soutien financier. »

« Ce n’est que par la suite, affirme-t-on, que certaines provinces ont annoncé une aide en vertu d’ententes avec Ottawa. Nous sommes toujours en pourparlers avec le gouvernement fédéral. »

M. Bonnardel a par ailleurs justifié l’imposition d’un plafond aux futures contributions municipales de 2021 et 2022 en affirmant qu’« il est normal et sain que les différents acteurs du transport collectif fassent des efforts d’optimisation et ne se contentent pas de refiler la facture aux contribuables ».

Contrairement à l’ARTM, cependant, le gouvernement du Québec « ne s’oppose pas à l’utilisation des surplus des sociétés de transport » pour éponger les compressions demandées.

« Dans le contexte, nous sommes d’avis qu’il faut faire preuve de flexibilité, écrit-on. Par contre, ultimement, cette décision appartient au conseil d’administration de l’ARTM. »

Ce texte a été modifié pour rectifier le nombre d’employés de l’ARTM, détailler l’ampleur des revenus perdus en raison de la pandémie et préciser que l’interdiction faite aux sociétés de transports d’utiliser leurs surplus accumulés pour combler leur manque à gagner s’applique uniquement aux dépenses courantes récurrentes.