Ainsi donc, il sera permis d’aller dans les restaurants et les restos-bars à compter du 15 juin à l’extérieur du Grand Montréal et du 22 juin dans la métropole, à Joliette et à L’Épiphanie, mais on ne pourra pas aller dans les bars.

Cette décision ne me rentre pas dans la tête, encore moins dans celle des propriétaires de bars, qui font savoir haut et fort leur mécontentement au gouvernement. Mettez-vous à leur place : après trois mois sans revenus, ils vont assister à la renaissance de leurs collègues de la restauration tout en regardant leurs dettes s’accroître.

La goutte qui fait déborder le pichet dans ce cas-ci touche une nouvelle disposition du projet de loi 61, qu’on espère faire adopter à compter de vendredi, qui permettrait aux restaurants de vendre de l’alcool sans que les clients aient à commander de la nourriture.

PHOTO FRANÇOIS LENOIR, ARCHIVES REUTERS

Un tenancier de bar sert une bière derrière un écran de plexiglas, à Bruxelles, en Belgique.

Un double scotch pour faire passer ça ?

On tente de calmer les propriétaires de bars en leur disant qu’ils pourront faire une demande de permis de « préparation d’aliments », mais ils auront à franchir un « processus », a dit André Lamontagne, ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ), lors d’une conférence de presse.

Bonjour, la bureaucratie ! Bonjour, les délais ! Bye bye, la belle saison !

Comment a-t-on pu arriver à une telle décision ? Pour Horacio Arruda, directeur national de santé publique, « la consommation d’alcool qui est faite dans un bar a lieu dans un autre contexte que la consommation d’alcool qui se fait lors d’un repas ou dans un restaurant ».

Cet argument ne passe pas du tout auprès des gens qui œuvrent dans le milieu des bars. « Horacio manque le bateau en ce moment, dit Pierre Thibault, président fondateur de la Nouvelle Association des bars du Québec (NABQ) et porte-étendard du renouveau qui se joue actuellement dans le monde des bars. Au lieu de porter un jugement sur la consommation d’alcool dans les bars, il devrait envoyer des signes de confiance. J’avoue que ses propos étaient durs à prendre. »

Pour moi, il est évident que la décision de maintenir les bars fermés a été prise par des gens déconnectés d’une certaine réalité. Le problème est que ces gens confondent clubs de nuit, ce qu’on appelait autrefois discothèques, et bars.

Il y a actuellement une vague de bars nouveau genre à Montréal, comme partout au Québec, qui se sont dotés d’un caractère distinctif. On y célèbre l’art du cocktail ou la passion des bons vins. Max Coubès, propriétaire du bar Le 4e Mur, à Montréal, fait partie de ce mouvement. « Les gens qui ont pris cette décision ont dû mettre les pieds dans un bar pour la dernière fois il y a 15 ans, dit-il. Il y a une méconnaissance évidente du milieu. »

Cette nouvelle génération de bars côtoie d’autres catégories d’établissements qui ont parfois mauvaise réputation. Mais pour les gens à l’origine de cette décision, c’est-à-dire la Santé publique, la Sécurité publique, le ministère de l’Économie, le MAPAQ et la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ), tous ces établissements forment une même catégorie.

« Je n’ai rien contre les boîtes de nuit, les bars de danseuses ou de danseurs, les bars de machines à sous. Ces endroits ont le droit d’exister, ajoute Pierre Thibault. Mais c’est au gouvernement d’assurer un contrôle de ces établissements. »

Pourquoi ne pas permettre la réouverture des bars en imposant des mesures sanitaires ? Par exemple, les clients qui veulent consommer devraient obligatoirement être assis à une table, comme au restaurant. Pierre Thibault pense qu’il serait facile de créer des règles de distanciation dans les établissements que son association représente.

Au cours des derniers jours, plusieurs propriétaires de bars ont exprimé leur colère et affirmé qu’ils allaient défier cette interdiction. François Legault a répliqué en disant qu’on « allait faire respecter la loi ».

Cela dit, il ne faudrait pas mettre tous les propriétaires de bars dans le même panier. J’ai eu une conversation fort intéressante avec Alex Besnard, cofondateur d’A5 Hospitality, une entreprise qui possède une vingtaine d’établissements. Tout en reconnaissant que la situation est difficile, il croit qu’il faut plus que jamais faire preuve de patience.

On a tellement hâte de relancer la machine qu’on souhaite tous être des St-Hubert, mais nous ne sommes pas tous des St-Hubert. Nous avons une responsabilité sociale. Moi, je suis un citoyen et un père de famille avant d’être un entrepreneur. C’est comme cela que je vois les choses.

Alex Besnard, cofondateur d’A5 Hospitality

Alex Besnard croit que cette période d’attente sera de courte durée. Là-dessus, je suis entièrement d’accord avec lui. Je ne suis pas devin, mais si je me fie aux assouplissements qui se multiplient à un rythme effréné (une semaine, on ne peut pas aller dans un chalet si on ne fait pas partie de la même cellule familiale, et 10 jours plus tard, on peut y aller à trois ménages), la question des bars devrait être revue très bientôt.

D’ici là, on peut continuer à suivre le conseil de François Legault qui, lors d’une conférence de presse, a dit que « boire un petit verre de verre de vin peut aider à réduire le stress ». J’aimerais quand même ajouter que boire un petit verre de vin avec ses amis dans son bar préféré, même à deux mètres de distance, donne de meilleurs résultats.