Les cours d’éducation sexuelle sont au cœur de la prévention de la prostitution, a fait valoir une témoin devant la Commission spéciale sur l’exploitation sexuelle des mineurs, jeudi à Québec.

C’est un ancien proxénète lui-même qui le dit.

C’est ce qu’a rapporté Karine Dubois, productrice du documentaire « Trafic », qui a témoigné à la commission avec la réalisatrice Catherine Proulx. Celles-ci se sont penchées ensemble sur les rouages méconnus de l’exploitation sexuelle et de la prostitution juvénile.

La répression ne suffit pas, a fait valoir Mme Dubois, qui insiste qu’il faut agir en amont.

Et l’une des clés de la prévention, c’est l’éducation sexuelle, selon un ancien proxénète rencontré par son équipe, qu’elle a appelé « Kevin ».

« On ne nous apprend pas à respecter », a-t-il dit. « Je sais rien moi. Je sais que pour faire un enfant, il faut f… une femme, mais ils ne nous parlent pas du respect. On n’a rien appris de ça », a rapporté Mme Dubois en répétant ses paroles.

On a une responsabilité d’éduquer les garçons. Si la seule éducation sexuelle est trouvée par les jeunes eux-mêmes en ligne, « ne nous étonnons pas que l’exploitation sexuelle puisse leur sembler une avenue à considérer », a-t-elle ajouté devant les élus provinciaux qui sont membres de la commission.

« Nous devons nous demander collectivement comment nous pourrions mieux faire les choses pour que moins de jeunes hommes viennent à penser que le proxénétisme est une forme de criminalité comme les autres. »

Dans les centres jeunesse, des garçons en côtoient d’autres qui ont été « pimps » et ils seront peut-être intéressés à le devenir dans un avenir rapproché, explique Mme Dubois.

« Un jeune en centre nous a déjà fait remarquer que c’est particulièrement intéressant de devenir “pimp” parce qu’il y a beaucoup moins de chance de se faire prendre (que pour les autres crimes) et que la fille, contrairement à la drogue, est une marchandise qu’on peut revendre plusieurs fois. »

Elle suggère donc que les centres jeunesse se dotent de programmes « costauds » d’éducation sexuelle.

Mais elle croit aussi que cela prendrait des programmes de sensibilisation pour le grand public.

Car le client, « c’est Monsieur-tout-le-monde ».

« Vous en connaissez sûrement un », a-t-elle lancé.

La réalisatrice et la productrice ont d’ailleurs déploré la banalisation de l’achat de services sexuels. Facile, accessible en ligne. Juste un autre onglet à ouvrir sur l’écran d’ordinateur.

« Ce n’est pas un être humain : on commande quelque chose », a tiré comme glacial constat Mme Proulx.

C’est comme si payer dédouanait les clients, a renchéri sa collègue.

Mais « tout est contrôlé pour que le client ne sente pas qu’il est dans un contexte d’exploitation », a souligné Catherine Proulx. La fille sourit, est attentionnée, elle donne l’impression qu’elle « aime ça ». Mais elles offrent cette façade pour ne pas recevoir des coups de leur proxénète, rappelle-t-elle.