Les tensions persistent entre le maire d’Oka et le grand chef de Kanesatake. Une première rencontre a eu lieu vendredi matin avec les gouvernements, mais les deux principaux intéressés y ont participé séparément.

Le grand chef Serge Otsi Simon aurait voulu s’asseoir à une table commune avec le maire de la municipalité des Laurentides, mais il exigeait d’abord des excuses de ce dernier pour des propos qu’il juge racistes. Dans les dernières semaines, Pascal Quevillon a dit craindre que sa ville ne devienne enclavée si un promoteur immobilier cède 60 hectares de terrain situés dans la pinède d’Oka aux Mohawks. Le maire redoute aussi la prolifération des « cabanes à pot » et des « cabanes à cigarettes ».

Le grand chef s’est d’abord présenté à sa rencontre avec Sylvie D’Amours, la ministre québécoise des Affaires autochtones, et avec Marc Miller, le secrétaire parlementaire de la ministre fédérale des relations Couronne-Autochtones, à 9 h au bureau du premier ministre François Legault. Deux heures plus tard, il a refusé de parler ni même de croiser le maire d’Oka qui avait à son tour sa réunion avec les gouvernements.

« Moi et mon conseil, on a décidé de ne pas donner d’importance au maire Quevillon. Il a dit ce matin qu’il n’allait pas s’excuser », a expliqué le grand chef lors d’un point de presse. Quelques minutes plus tôt, le maire Pascal Quevillon s’est en effet présenté devant les médias avant sa propre réunion prévue à 11 h. Il a dit ne pas savoir pour quels motifs il devait présenter ses excuses.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE

Le maire d'Oka, Pascal Quevillon.

« Il faudrait qu’on me précise quels genres d’excuses on veut. Le grand chef a dit qu’il y a des problématiques avec les cabanes à pot sur son territoire et il a utilisé les mêmes termes que moi. »

« Je dis fort ce que beaucoup de monde pense », a poursuivi le maire.

Rencontres « productives »

C’est la ministre provinciale des Affaires autochtones qui a organisé la rencontre tenue hier. Le chef des Mohawks de Kanesatake et le maire d’Oka ont pu y présenter, chacun de leur côté, leurs revendications. Le contenu des discussions est toutefois resté confidentiel.

« Jusqu’à jeudi soir, j’avais espoir qu’on soit assis tous ensemble, mais en matinée, j’ai su que le maire ne s’excuserait pas. On a quand même travaillé ensemble et un dialogue a été fait », a dit Mme D’Amours qui s’est montrée satisfaite de sa journée.

Le représentant fédéral Marc Miller croit pour sa part que les opinions des deux dirigeants sont réconciliables. Il a toutefois affirmé que les deux gouvernements « n’étaient pas sur la même longueur d’onde avec le maire Quevillon sur plusieurs aspects ».

« Ce qu’on leur a demandé, tant le fédéral que le provincial, c’est d’agir dans le plus grand respect dans une atmosphère échauffée où il y a évidemment beaucoup d’émotions », a expliqué M. Miller aux médias.

Mme D’Amours et M. Miller ont martelé que personne n’a envie de vivre une deuxième crise d’Oka, 29 ans plus tard.

Oka isolé

Au printemps, la communauté mohawk de Kanesatake a envoyé une mise en demeure à un entrepreneur pour l’empêcher de faire du développement immobilier sur une terre revendiquée par les autochtones. La municipalité d’Oka a répondu par une mise en demeure envoyée aux Mohawks pour protester contre cette « expropriation déguisée ».

Les tensions ont atteint un nouveau sommet quand le promoteur Grégoire Gollin s’est entendu avec les Mohawks, dans un document signé, pour leur céder une partie de ses terrains.

Au terme de sa rencontre avec les gouvernements, le maire Quevillon s’est dit heureux d’avoir enfin pu obtenir une rencontre après trois ans d’attente. À une question d’une journaliste, il a toutefois confirmé se sentir isolé dans le conflit qui l’oppose aux Mohawks de Kanesatake.

« Oka a toujours été dans cette situation. Aujourd’hui, moi j’ai pris la décision de me lever et de haut et fort : “ on est là les Okois. Prenez-nous en considération, on veut être écoutés, on veut être entendus ”. Et ça, ça n’a pas fait l’affaire de tous. »

Pour l’instant, notons qu’aucune autre rencontre n’est prévue à l’horaire des gouvernements afin que les deux groupes discutent ensemble… ou séparément.