« C’est sûr que je dois contrevenir à plusieurs des articles de mon code de déontologie. »

Tel a été le constat qu’une travailleuse sociale a fait à la chercheuse Mélanie Bourque, de l’Université du Québec en Outaouais, dans le cadre de son étude sur l’impact des transformations du réseau de la santé.

Mme Bourque a livré mercredi à la Commission spéciale sur la DPJ les résultats de son étude qui a été menée entre 2015 et 2017 auprès de 84 travailleuses sociales et de 10 gestionnaires (de la DPJ ou d’autres services du réseau de la santé).

Elles ont été nombreuses à le dire : la pression constante qu’elles subissent les amène souvent à des pratiques illégales, en contravention de leur code d’éthique. Il y a « une pression pour faire des choses vite, une pression pour qu’on aille dans la même direction que l’administration », a dit l’une.

Ainsi, une intervenante a eu des pressions de ses supérieurs pour ne pas faire un signalement. Une autre s’est fait dire de ne pas expliquer toutes les options qui s’offraient à une mère parce que ses supérieurs avaient choisi la voie à suivre et ne voulaient pas en déroger.  

Les travailleuses sociales disent vivre des dilemmes constants. « Est-ce que j’écoute mon patron ou est-ce que j’écoute mon code ? » a résumé l’une.  

« À un moment donné, a regretté une autre travailleuse sociale, c’est comme si tu en viens à trouver que c’est normal de faire rapidement, de ne pas accorder autant d’importance à chaque patient. »

Aux prises avec des conflits constants de loyauté entre les demandes de leur employeurs et les besoins réels des jeunes de la DPJ ou des patients, elles finissent régulièrement en arrêt de travail, a fait remarquer Mme Bourque.

La faute aux gestionnaires ? Mme Bourque ne le croit pas. Non sans mal même si la confidentialité était assurée, la chercheuse a réussi à faire témoigner dix de ces gestionnaires, qui, a-t-elle constaté, vivent une détresse semblable et se sentent eux-mêmes forcés de mettre en application des standards de performance qu’ils savent eux-mêmes souvent très loin des bonnes pratiques.

Si les travailleuses sociales de son échantillon étaient issues de tout le réseau et non pas de la DPJ exclusivement, Mme Bourque souligne qu’« il n’y a pas de différences de discours entre les services ».

Pour les commissaires à la Commission Laurent, ce son de cloche de l’intérieur est d’autant plus précieux que, comme ils s’en sont encore désolés mercredi, ils ont un mal fou à convaincre des employés ou des gestionnaires actuels de la DPJ à offrir leur témoignage, plusieurs ayant peur de représailles.