Au cours des derniers mois, il a réalisé deux transactions considérées comme les plus importants rachats privés d’entreprises au Canada : la recapitalisation de GardaWorld, évaluée à 5,2 milliards, et celle de GFL Environmental, un investissement de 5,1 milliards. Associé principal chez BC Partners, société d’investissement internationale dont le siège est à New York, cet Italien d’origine passe la majeure partie de son temps entre le Canada et les États-Unis. Mais son cœur, lui, est définitivement à Montréal. Paolo Notarnicola est notre personnalité de la semaine.

Paolo Notarnicola jongle avec des chiffres qui donnent le vertige, surtout à ceux et celles qui n’évoluent pas dans le monde de la finance.

Au cours des derniers mois, il a réalisé deux recapitalisations d’entreprises très remarquées.

D’abord, celle de GFL Environmental, mieux connue au Québec sous le nom de Matrec. Fondée par l’ex-joueur de hockey Patrick Dovigi, GFL (pour Green for Life) est une entreprise spécialisée dans les services environnementaux parmi les plus importantes en Amérique du Nord.

M. Notarnicola a également piloté le dossier du rachat de 51 % des actions ordinaires de GardaWorld, entreprise fondée en 1995 par Stéphan Crétier et qui est devenue avec le temps le leader mondial du secteur des services de sécurité et de transport de valeurs.

Dans les deux cas, BC Partners adopte la même approche : aider ces entreprises à croître et à conquérir le marché international. « Notre spécialisation, ce sont les capitaux de croissance, affirme Paolo Notarnicola, qui est responsable des marchés canadiens et américains au sein de sa firme. Quand nous arrivons dans une entreprise, nous offrons notre expertise, nos connaissances, nos contacts pour l’aider à se développer. »

Horizon de cinq ans

Ce qui motive Paolo Notarnicola, c’est donc de pouvoir accompagner des entrepreneurs qui ont de l’ambition. Et une vision. « Prenez Garda, dit-il. Stéphan Crétier est un homme tout à fait exceptionnel qui a créé son entreprise avec une hypothèque de 25 000 $. Aujourd’hui, il est devenu un champion mondial dans le secteur de la sécurité ! »

Il y a quelque chose d’excitant, d’énergisant même, dans le fait de réaliser une grosse transaction, assure M. Notarnicola, que nous avons rencontré alors qu’il était de passage à Montréal pour célébrer l’Halloween avec sa famille. Le côté touche-à-tout de l’intervention est également stimulant pour ce financier qui a toujours soif d’apprendre.

En capital-investissement, on peut s’impliquer dans tous les aspects
de la vie de l’entreprise : la stratégie, la gestion, le droit, la comptabilité,
les finances, les opérations. C’est très stimulant.

Paolo Notarnicola

Mais il ne faut jamais oublier qu’en affaires, c’est le résultat qui compte, nous rappelle Paolo Notarnicola, qui souligne au passage que les deux transactions auront permis de garder deux importants sièges sociaux au Canada. L’objectif ultime demeure la croissance. Quand l’entreprise croît, cela profite à tout le monde : les dirigeants, les employés, les clients et, finalement, toute la communauté. « Quand l’entrepreneuriat est bien fait, c’est toute l’économie qui bouge, affirme-t-il. C’est pour cette raison que je dis toujours : il ne faut pas nous féliciter quand on fait une grosse transaction. Attendez cinq ans et félicitez-nous une fois qu’on aura créé de la valeur avec notre investissement. »

Un travail de longue haleine

On le devine, des transactions aussi importantes ne se concluent pas sur un coup de tête. Derrière ces sommes astronomiques, il y a un véritable travail de fond. « On peut passer des années à étudier un secteur de l’économie, explique le financier. Ensuite, on détermine les entreprises qui peuvent être intéressantes. On privilégie les secteurs économiques qui résistent à la récession, qui ne sont pas volatils. Puis on analyse tous les paramètres “hard” : la concurrence, la stratégie, les opérations, les finances, la comptabilité. Avant de mettre de l’argent dans quelque chose, on en retourne, des pierres. »

La finance est une science, mais c’est aussi un art, rappelle toutefois M. Notarnicola.

Il faut analyser des paramètres plus “soft”. Pour moi, ils sont encore plus importants, car ils ont à voir avec la culture et les valeurs de l’entreprise et de ses dirigeants.

Paolo Notarnicola

C’est l’aspect plus « humain » de la transaction. Et malgré la valse des dollars et la quête de la croissance, c’est un facteur qui peut faire la différence. « À la fin, souligne Paolo Notarnicola, l’entrepreneur qui veut rester au sein de son entreprise pour la faire grandir se pose une question : avec qui je veux faire une alliance pour développer ma compagnie ? Oui, il va rechercher des compétences et des capitaux, mais il va également chercher des gens avec qui il se sent bien pour travailler. »

Faire sa chance

Mais comment un jeune homme natif de la région des Pouilles a-t-il pu un jour s’intéresser à l’économie canadienne ? Pour le comprendre, il faut reculer dans le temps.

Paolo Notarnicola est né il y a 45 ans dans le petit village de Crispiano, près de Martina Franca, dans le sud de l’Italie. Fils d’un ouvrier employé dans une usine métallurgique et d’une mère au foyer, le jeune Paolo se préparait à devenir comptable lorsqu’il a décroché une bourse qui lui a permis d’étudier, toutes dépenses payées, à l’Université Bocconi, à Milan. « En Italie, nous avons un beau programme social qui aide les familles moins favorisées, explique-t-il. C’est grâce à un professeur qui s’est intéressé à moi, et qui a convaincu mes parents, que j’ai pu poursuivre mes études. »

Durant un échange étudiant à Paris, le jeune Paolo fait la rencontre de Marie-Claude Rochon, étudiante des HEC originaire de Saint-Lin, dans les Laurentides. Le coup de foudre est immédiat. « Nous sommes ensemble depuis 24 ans », souligne Paolo Notarnicola en souriant. Le couple, qui s’est marié en 2001, vit d’abord à Milan, où Paolo travaille pour la société de conseil McKinsey, puis à Boston lorsque le jeune homme, profitant d’un programme offert aux employés, entreprend un MBA à la Harvard Business School. Il est ensuite transféré à Montréal, où McKinsey ouvre de nouveaux bureaux. Après un passage au sein de la firme de conseil financier Lazard, il rejoint KKR, un des fonds d’investissement les plus importants au monde. Le couple déménage à Londres et a deux enfants, William et Francesca. C’est dans la capitale britannique que Paolo Notarnicola s’est familiarisé avec les mégatransactions : il a fait partie des équipes qui ont travaillé à la recapitalisation d’Alliance Boots et de First Data, deux investissements de plusieurs dizaines de milliards de dollars, au milieu des années 2000. Il est devenu associé principal chez BC Partners en 2014.

En plus d’avoir effectué un parcours exceptionnel, Paolo Notarnicola a concrétisé un autre rêve, celui de travailler à New York, la Mecque de la finance. « Ma femme et mes enfants vivent à Montréal et je me promène entre les deux villes, explique-t-il dans un français impeccable. Nous avons fait le choix que les enfants poursuivent leurs études au Québec, car c’est le meilleur système d’éducation au monde, selon moi. Il y a certaines semaines où je dois voyager beaucoup, et c’est assez rock’n’roll, mais quand je peux, je passe mes week-ends avec eux et j’essaie de travailler d’ici quand c’est possible. »

Malgré cette vie mouvementée, Paolo Notarnicola, qui célébrait son 45e anniversaire le jour de notre rencontre, n’oublie pas ses origines.

Avec sa femme et ses deux enfants, il retourne en Italie deux fois par année visiter ses parents qui habitent toujours le même petit village, où il a d’ailleurs acheté la maison ayant appartenu à son grand-père. « Nous y allons à Noël et au mois d’août, dit-il avec un sourire dans la voix. Je suis un vrai Italien, je suis né et j’ai grandi là-bas. C’est important pour moi que mes enfants connaissent et absorbent la culture italienne. »

Même s’il a vécu dans les plus grandes métropoles du monde, Montréal demeure la ville où il préfère vivre. « C’est le meilleur endroit, assure ce Montréalais d’adoption. Bien sûr, il y a des raisons concrètes comme le coût de la vie qui est plus abordable quand on le compare à celui de villes comme New York, Londres ou Paris. Mais la chose la plus importante pour moi, c’est tout le reste : la culture des cafés, l’atmosphère, les amitiés. Mes amis les plus proches sont tous ici. »

Paolo Notarnicola en quelques choix

Un livre : Le nom de la rose, d’Umberto Eco, qu’il a lu deux fois en italien et une fois en anglais.

Un film : La grande bellezza, de Paolo Sorrentino, qu’il a vu trois fois. « Dans chaque dialogue, il y a quelque chose de captivant. »

Un personnage historique : Léonidas, roi de Sparte, pour son héroïsme

Une citation : Audaces fortuna juvat. (La chance sourit aux audacieux.) « J’y crois. Il faut oser, sans oublier que la chance joue un rôle dans tout cela. Ensuite, il faut aussi la créer, cette chance. »