(Québec) Il serait possible de réduire de 30 à 40% l’usage de pesticides au Québec notamment en évinçant l’industrie hors des secteurs de la recherche et du service-conseil aux agriculteurs.

C’est ce qu’a déclaré l’agronome Louis Robert, ce lanceur d’alerte qui avait perdu son emploi au ministère de l’Agriculture (MAPAQ) en début d’année après avoir dénoncé l’ingérence de l’industrie des pesticides dans la recherche, au sein d’un organisme de recherche sur les grains, le CEROM. Selon lui, il est possible de réduire l’usage des pesticides sans hausser les subventions ou convertir la production au biologique.

M. Robert, qui a été réembauché après avoir reçu des excuses du gouvernement, témoignait mardi soir devant la commission parlementaire qui se penche sur les effets des pesticides sur la santé et l’environnement.

En mêlée de presse avant son témoignage, l’agronome a affirmé qu’il serait possible d’ici cinq ans de réduire «considérablement» l’usage de pesticides — et à long terme, même les éliminer à 100%.

«Sortir l’ingérence du privé en service-conseil, en recherche, transfert technologique, a-t-il recommandé. Ce ne serait pas bien compliqué de le faire et sans coûts, d’ailleurs.»

Il suffirait entre autres de remplacer la portion minime du financement privé du CEROM par du financement public. Également, il demande d’augmenter les effectifs du MAPAQ en transfert technologique, c’est-à-dire de ceux qui diffusent les données de la recherche et la mettent en œuvre sur le terrain.

En outre, M. Robert a assuré qu’il ne serait pas nécessaire de subventionner davantage les producteurs agricoles pour les inciter à réduire l’épandage de pesticides.

«Ce sont des bonbons qui sont appétissants, mais la subvention nuit davantage qu’elle aide à la prise en charge de systèmes agricoles hautement performants», a expliqué Odette Ménard, une collègue de M. Robert qui comparaissait à ses côtés.

Aussi, il n’est pas nécessaire non plus d’inciter les producteurs à se convertir au bio, a ajouté M. Robert. Enfin, il dit ne pas être favorable non plus à l’augmentation des budgets en recherche. Ceux qui réclament cette augmentation ne sont tout simplement pas au courant de tout ce qui se fait en recherche actuellement, a-t-il indiqué.

Le lanceur d’alerte a par ailleurs regretté qu’on ait mis en place une réglementation complexe sur certains insecticides controversés, alors que si les agronomes pouvaient faire leur travail correctement en toute indépendance, ces produits ne seraient même pas nécessaires ou recommandés.

Les entreprises productrices des pesticides ont des intérêts privés qui ne vont pas dans le sens de l’intérêt public, a-t-il souligné, or on les a laissé agir «en amont», à la source auprès des agriculteurs, où «ils peuvent conditionner les besoins des consommateurs».

Il a déploré que des entreprises s’emploient à miner la crédibilité de la recherche publique qui nuit à leurs intérêts. Il a évoqué une journée de formation à laquelle il a assisté, en présence d’une centaine de producteurs agricoles, à la suite de la publication de données de recherche.

«Le message de l’agronome de la compagnie était pour défaire de la recherche publique. Ils (les représentants de l’industrie) ne manquent jamais une occasion de rabrouer la recherche publique.»

À l’opposé, le MAPAQ détient une expertise en lutte intégrée contre les nuisances en agriculture, a affirmé l’agronome, tout en détaillant une série de solutions de remplacement à l’usage des pesticides.

«La compétence en lutte intégrée se trouve au MAPAQ et dans les clubs-conseils en agroenvironnement. Les lobbys (des pesticides) ne sont pas si forts, mais nous n’avons affirmé aucune opposition. Le dicton "Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux" s’applique.»