La Cour fédérale accorde réparation à deux francophones pour des violations répétées de leurs droits linguistiques par Air Canada, et ordonne au transporteur aérien de leur payer un total de 21 000 $.

Michel Thibodeau et Lynda Thibodeau ont déposé 22 plaintes en 2016 auprès du Commissaire aux langues officielles, pour des infractions alléguées à la Loi sur les langues officielles.

Ils se plaignent notamment d’un affichage pour des sorties d’urgence dans les avions unilingue anglais, ou encore inégal et moindre en français qu’en anglais car les lettres des avis en français sont de plus petite taille. Aussi, ils déplorent que seul le seul mot anglais «lift» est gravé sur les boucles des ceintures de sécurité des aéronefs. Ils ont aussi relevé à l’aéroport de Fredericton une annonce d’embarquement aux passagers moins complète en français qu’en anglais.

Ils ont ainsi plaidé qu’Air Canada viole systématiquement les droits linguistiques des francophones.

Air Canada répond, essentiellement, que les plaintes résultent d’une interprétation trop rigoriste de la loi, qui n’exige pas un traitement identique pour les deux langues, mais plutôt un traitement qui soit substantiellement le même. Air Canada précise notamment que la loi n’exige pas que les avis soient écrits avec des lettres de même taille dans les deux langues et que la gravure du seul mot «lift» ne constitue pas une communication ou un service rendu au sens de la loi, car il s’agit plutôt de l’initiative du fabricant des ceintures.

La Cour n’est pas de cet avis: dans sa décision rendue cette semaine, elle juge que l’affichage unilingue anglais ou à prépondérance anglaise, ainsi que l’annonce d’embarquement plus complète en anglais, tout comme la mention sur les ceintures, contreviennent à la loi. Les droits de M. et de Mme Thibodeau ont été violés, tranche-t-elle.

La Cour fédérale ordonne donc à Air Canada de leur transmettre une lettre d’excuses formelles et de payer des dommages-intérêts, à hauteur de 1500 $ par plainte. Huit d’entre elles avaient déjà fait l’objet d’un dédommagement par le transporteur avant l’audience et ne sont donc pas visées ici.

Par contre, la Cour a refusé de prononcer une ordonnance mandatoire — telle que demandée par M. et Mme Thibodeau — pour obliger Air Canada à se conformer à ses obligations linguistiques, car, disent-ils, l’affichage non conforme à la loi serait très répandu dans les avions utilisés par Air Canada et que l’entreprise n’aurait aucune intention de rectifier la situation.

«Il n’existe aucune raison de croire qu’Air Canada enfreindrait délibérément la Loi, et une telle ordonnance lui imposerait au surplus une menace constante de procédures en outrage au tribunal et le risque de multiplication d’instances», écrit la Cour.

Finalement, Air Canada avait indiqué à la Cour que si elle concluait que les enseignes ne respectent pas la loi, elle est disposée à déposer auprès du Commissaire aux langues officielles, dans un délai de six mois suivant le jugement final, un plan de travail qui envisage de façon ordonnée leur remplacement. La Cour dit prendre acte de cette offre.

Air Canada peut en appeler de ce jugement.

Autres recours

Michel Thibodeau et Lynda Thibodeau n’en sont pas à leur première plainte contre Air Canada.

On se rappelle notamment de leur combat dans une affaire qui s’est rendue jusqu’en Cour suprême du Canada. Mais dans cette cause, ils n’ont pas eu gain de cause : le plus haut tribunal du pays avait tranché que le transporteur aérien n’est pas tenu de dédommager les passagers dont les droits linguistiques ne sont pas respectés sur ses vols internationaux, seuls les vols intérieurs pouvant donner droit aux indemnités prévues par la Loi sur les langues officielles.

Cette année, Air Canada est arrivée en tête de liste des institutions faisant l’objet de plaintes au Commissaire aux langues officielles. Dans son plus récent rapport, il a recensé 105 plaintes contre le transporteur, majoritairement formulées pour des problèmes de communications avec le public et en lien avec la prestation de services.

L’entreprise aérienne est d’ailleurs régulièrement pointée du doigt par le Commissariat.

En 2016, l’ancien commissaire aux langues officielles Graham Fraser avait même déposé — chose inhabituelle — un rapport spécial au Parlement à son sujet. Il avait demandé aux députés fédéraux des outils pour forcer le transporteur aérien à respecter ses obligations.