Les abus subis par des travailleurs agricoles latino-américains ont déjà fait les manchettes. Mais il y a aussi des histoires humaines inspirantes. Voici celle de José Gomez, à La Ferme Quinn.

Un lien spécial

José Elizear Perobal Gomez a 37 ans. Il est marié et père de trois enfants. Mais, depuis huit ans, il ne voit pas sa famille pendant l’été. Le Guatémaltèque cueille des fruits et des légumes à La Ferme Quinn, de Notre-Dame-de-l’Île-Perrot, à l’ouest de Montréal. Il le fait pour subvenir aux besoins de sa femme Rosa, de ses deux filles, Irma, 17 ans, et Norma, 14 ans, et de son fils José junior, 11 ans. Cinq de ses compatriotes l’ont rejoint. « C’est une bonne décision, dit M. Gomez, en espagnol. J’ai tissé un lien très spécial avec Philippe [Quinn]. »

Une bibliothèque pour les jeunes

Au fil des ans, José Gomez a vu son niveau de vie s’améliorer. Et il en profite pour s’impliquer davantage dans sa communauté au Guatemala. Cette année, dans les mois qui ont précédé son arrivée au Québec, il a participé à la construction d’une annexe à l’école secondaire du village voisin. « J’ai fourni le béton et j’ai travaillé pour faire une bibliothèque », explique-t-il. Le petit bâtiment ne compte, pour le moment, qu’une quarantaine de livres. « Je n’ai pas eu la chance d’aller à l’école et il faut donner cette occasion aux enfants, dit-il. J’aime travailler dans les champs. Mais ce n’est pas pour tout le monde. »

Répondre à la demande

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

La Ferme Quinn est spécialisée dans la cueillette, l’autocueillette et la transformation.

« C’est difficile de trouver de la main-d’œuvre qualifiée pour travailler dans les champs, reconnaît Philippe Quinn. C’est pourquoi des milliers de travailleurs étrangers viennent au Québec pour répondre à la demande. » Philippe Quinn est copropriétaire de La Ferme Quinn avec sa conjointe Stéphanie Maynard depuis neuf ans. Spécialisée dans la cueillette, l’autocueillette et la transformation, cette entreprise agrotouristique emploie de 30 à 70 personnes, au fil des saisons. Elle accueille 100 000 visiteurs par année. En plus des fruits et des légumes, elle possède de nombreux animaux de ferme et une boutique du terroir. On y cultive tant des asperges que des arbres de Noël.

De nouvelles responsabilités 

Selon Philippe Quinn, un travailleur agricole saisonnier gagne de 18 000 $ à 22 000 $. « Toutes les lois du travail s’appliquent », précise-t-il. Ce qui comprend le versement du salaire minimum, des journées de travail de 4 à 12 heures, une journée de congé par semaine et des logements inspectés. « J’ai une grande confiance en José, dit-il. On a une belle relation. Pour moi, c’est un ami. » Et c’est avec respect qu’il remarque que son employé exerce des responsabilités accrues dans sa communauté. Même si cela implique que son passage à la ferme sera écourté cet été.

Collaboration et initiatives 

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, LA PRESSE

Chaque été, José Gomez cueille des fruits et des légumes à La Ferme Quinn, à Notre-Dame-de-l’Île-Perrot, à l’ouest de Montréal.

José Gomez a été élu chez lui à Patzicía. Ce village compte 830 habitants. Il est situé à plus de deux heures de route à l’est de la capitale, Ciudad de Guatemala. Depuis deux ans, il est membre d’un comité responsable des initiatives liées notamment à l’alimentation en eau potable et à l’entretien des rues. À cette fin, il donne aussi une partie de ses revenus à l’Église. « Chacun collabore selon ses moyens », dit-il. La religion joue un rôle important dans ce pays d’Amérique centrale de plus de 16 millions d’habitants, situé entre le Mexique et le Honduras. « Le gouvernement offre peu de soutien, ajoute José Gomez. La situation économique est difficile. Beaucoup de familles vivent de l’agriculture. »

Le Québec au Guatemala

Pour optimiser ses récoltes, le travailleur utilise les semences de La Ferme Quinn sur ses terres. Ce sont donc des produits québécois, originaux et inédits au Guatemala qui poussent dans ce coin de pays. Il a même planté deux pommiers. José Gomez y vend du maïs sucré, des piments forts, des pois, des courges et des haricots verts et jaunes. « Ça permet d’obtenir de meilleurs prix pour mes produits », dit-il. Depuis son arrivée au Québec, il a multiplié par cinq, à 150 mètres carrés, la superficie de ses champs. Et il a rénové sa maison. « Ma fille Irma veut s’occuper de la terre, dit M. Gomez. Norma veut étudier en médecine et José junior, en mécanique. Je suis très reconnaissant envers Philippe. »