(Montréal) La Fondation Rivières interpelle le ministre de l’Environnement, Benoit Charrette, pour qu’il ordonne la mise à jour du programme Environnement-Plage, qui n’aurait pas été revu depuis près de 40 ans, afin de moderniser le processus d’analyse de la qualité des eaux de baignade et de rendre le processus plus rapide et plus efficace pour la protection des baigneurs.

En entrevue à La Presse canadienne, le président de l’organisme, Alain Saladzius, déplore qu’il n’ait eu aucun retour du ministère. Dans une lettre au ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques datée du 11 avril dernier, l’organisme sans but lucratif fait plusieurs recommandations et réclame surtout que le programme Environnement-Plage soit obligatoire pour tous les exploitants de plages publiques au Québec, ce qui n’est pas le cas actuellement puisque ces derniers y adhèrent sur une base volontaire.

« Il y a environ 200 exploitants (de plages publiques) qui n’y adhèrent pas actuellement. Au fil des ans, on a vu une réduction du nombre d’adhésions », constate M. Saladzius.

« C’est un programme qui date des années 1980 et les pratiques internationales demandent qu’il y ait une évaluation selon les risques réels », poursuit-il, en faisant notamment référence aux recommandations sur l’échantillonnage des eaux de baignade de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), de l’agence de protection environnementale des États-Unis (EPA) et de Santé Canada.

Au ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, un porte-parole du programme Environnement-Plage, Frédéric Fournier, a confirmé en entrevue avec La Presse canadienne qu’il s’agit d’un programme volontaire, mais il n’était pas en mesure de dire si des améliorations sont dans la mire du gouvernement.

« Il n’y a pas de législation, de règlement qui oblige les exploitants de le faire, affirme M. Fournier. C’est un service qu’on offre aux exploitants qui peuvent profiter des services du ministère, de son expertise pour effectuer de l’échantillonnage, mais c’est vraiment à titre volontaire. »

Il précise que « l’objectif du programme est d’informer la population de la qualité bactériologique des eaux de baignade », mais ces analyses portent uniquement « sur la présence de la bactérie E-coli lorsqu’on est en eau douce et de la bactérie entérocoque en milieu marin, en eau salée. » Quant à la présence des cyanobactéries, communément appelées algues bleues, des analyses sont demandées lorsque celles-ci sont visibles à l’œil nu, ce qui n’est pas applicable dans le cas des deux autres bactéries microbiologiques nocives pour la santé.

« Le délai habituel, de la prise d’échantillon à la publication de la cote, est d’environ 48 heures, explique M. Fournier. Il faut comprendre qu’il y a un transport des échantillons vers le laboratoire agréé qui est nécessaire et qu’il y a un temps d’incubation de l’échantillon de 24 heures qui est nécessaire pour faire l’analyse. »

Mais le processus peut parfois s’étirer, déplore le président de la Fondation Rivières.

« L’été dernier, il y a eu une contamination à Saint-Charles-Borromée et il a fallu six jours avant que la population soit informée du risque à cette plage. L’échantillonnage s’est fait pendant la contamination, mais le temps que les résultats d’analyses arrivent, la contamination n’était plus là. Mais c’est à ce moment qu’ils ont fermé la plage. »

Moderniser les appareils

La Fondation Rivières déplore donc que le processus actuel soit trop long, de sorte que le temps de réaction arrive bien souvent trop tard avant que ne soit interdite la baignade.

« Il existe de nouvelles technologies d’analyse rapide de la qualité de l’eau. L’appareil le plus rapide donne les résultats en 15 minutes et ça peut aller à quelques heures pour d’autres types d’appareils », explique Alain Saladzius, qui est lui-même un ingénieur spécialisé dans le traitement des eaux.

« Il faudrait que ce soit mis en place graduellement par le gouvernement », estime M. Saladzius, qui souligne que ces méthodes sont utilisées ailleurs dans le monde comme à Paris, mais aussi par des municipalités et des entreprises privées chez nous, faisant notamment référence au « Coliminder ».

« C’est utilisé à Montréal à la plage de Verdun ainsi que par le spa Bota Bota. C’est l’école Polytechnique au Québec qui supervise cet appareil actuellement. »

Monsieur Saladzius voit donc beaucoup d’avantages à faire cette transition, même si l’appareil vaut 70 000 $ et chaque analyse coûte environ 5 $ de plus, selon lui.

« C’est entièrement automatisé et la transmission des données se fait par internet, donc ça permet d’économiser beaucoup sur les frais de main-d’œuvre, de transport et de laboratoire. »

Au ministère, Frédéric Fournier précise qu’une trentaine de personnes œuvrent à la collecte et à l’analyse des données. Il s’agit d’étudiants, d’inspecteurs et de professionnels, sans compter que les échantillons sont analysés par les employés de laboratoires externes accrédités.

Faire plus d’analyses

Pour la Fondation Rivières, il faut toutefois faire plus d’analyses sur la qualité des eaux de baignade et y inclure plusieurs facteurs de risque pour la santé, tels que les surverses d’eaux usées.

« En temps de pluie, souvent les réseaux d’égout ne fournissent pas. Il s’agit de débordements d’eaux usées qui ne sont pas traitées et qui vont directement dans les cours d’eau », expose M. Saladzius.

« Par exemple, il y a beaucoup de surverses d’eaux usées autant à Montréal qu’à Longueuil et la municipalité n’est pas tenue à une fréquence d’échantillonnage spécifique à la plage de Longueuil. »

Au ministère, le porte-parole du programme Environnement-Plage se fait toutefois rassurant. Toutes les plages participantes vont être échantillonnées, au minimum entre deux et cinq fois dans l’été, selon les statistiques compilées l’été précédent.

« Les plages qui ont été polluées, qui ont eu une cote D l’année passée, ça va être au minimum cinq fois », affirme M. Fournier.

« Il y a aussi les plages très fréquentées qui sont davantage échantillonnées. » Mais contrairement aux prétentions de la Fondation Rivières, le porte-parole du ministère assure qu’il n’y a pas de maximum d’échantillonnages durant l’été.

« Tant et aussi longtemps que l’eau est contaminée, la plage va rester fermée et on fait des tests jusqu’à ce qu’on obtienne des résultats satisfaisants ».

Le président de la Fondation Rivières, Alain Saladzius, maintient toutefois que des changements s’imposent puisque les exploitants de plages publiques ne sont pas obligés d’échantillonner leurs eaux, même s’ils sont responsables de la qualité de l’eau de baignade.

« Il n’y a pas d’encadrement gouvernemental sur la qualité de ces eaux-là, dit-il. Le gouvernement délègue complètement la responsabilité aux exploitants, mais on croit que ça prend un minimum de surveillance. »