Pour accompagner ma chronique d’hier sur la ligne rose, il y avait une photo du ministre des Transports, François Bonnardel. C’est de cette photo que vous m’avez parlé dans les courriels que j’ai reçus tout au long de la journée, pas des pauvres usagers qui font les sardines sur la ligne orange.

Vous avez été très nombreux à remarquer la bouteille d’eau en plastique que le ministre tient entre ses mains. Vous étiez choqués, scandalisés. Cela en dit long sur le soin que les élus doivent constamment apporter à leur image. Ce souci est d’ailleurs devenu une obsession pour les attachés de presse.

Ceux-ci vérifient tout ! La présence de logos, de marques commerciales, le look vestimentaire… C’est tellement devenu une folie que j’ai parfois l’impression qu’on fera bientôt des conférences de presse avec des politiciens habillés en jumpsuit couleur chair devant un panneau blanc.

J’exagère, bien sûr, mais n’empêche qu’il est curieux qu’aucun membre de l’entourage de François Bonnardel n’ait pris conscience du symbole que représente cette bouteille de plastique, mardi matin dans le métro de Montréal. Il représente un énorme fléau pour l’environnement. Voilà un drôle d’exemple à envoyer aux citoyens de la part d’un ministre.

Mais à la décharge de François Bonnardel, il n’est pas toujours facile d’éviter ces fameuses bouteilles d’eau en plastique. On n’a pas toujours une bouteille réutilisable entre les mains ni la présence d’une fontaine (la meilleure arme contre les bouteilles en plastique) autour de soi. La soif peut difficilement attendre.

On a parfois du mal à éviter ces bouteilles. Et quand on est obligé d’en acheter une, notre frustration est double : non seulement on doit se résigner à payer pour du plastique qui va prendre des siècles à disparaître s’il n’est pas recyclé (un grand nombre de bouteilles en plastique ne sont pas recyclées), mais on doit aussi payer pour de l’eau.

Payer pour de l’eau ! Pensez-y ! Quel exploit extraordinaire pour les multinationales qui ont pris le contrôle de cette industrie. Elles réussissent à nous faire acheter de l’eau. Et très souvent, il s’agit d’une eau qui provient d’un réseau de distribution municipale. 

Bref, on paie pour purifier cette eau et on repaie pour la même eau une fois qu’elle est embouteillée. Combien de fois faudra-t-il rappeler cette énorme supercherie ?

Observant une chute des ventes de boissons gazeuses, des entreprises se sont tournées vers le commerce de l’eau embouteillée. Celui-ci représente un marché de plus de 100 milliards US à l’échelle mondiale. Au Québec seulement, on consomme environ 1 milliard de bouteilles d’eau chaque année.

Boire de l’eau, c’est cool, c’est meilleur pour la santé que des boissons gazeuses ou des jus sucrés. Alors, on consomme ces bouteilles d’eau par millions, dans toutes les sphères, tous les domaines. Regardez les images des marathons où l’on distribue des milliers de bouteilles d’eau aux coureurs. Des photos de la mer de déchets laissée par ces dynamos en santé sont régulièrement publiées sur le web.

Et Montréal dans tout ça ? Une politique visant à bannir certains articles à usage unique est sur les rails. La mairesse Valérie Plante a confié à la conseillère Laurence Lavigne Lalonde, responsable du dossier de la transition écologique et de la résilience au comité exécutif, le soin de préparer une politique qui interdirait les gobelets à café et les barquettes en styromousse ainsi que les ustensiles et les pailles en plastique. Cette politique, qui devrait ressembler à celles adoptées à San Francisco, Vancouver et New York, pourrait être en vigueur dès le printemps 2020.

En ce qui a trait aux bouteilles d’eau, Montréal doit toutefois se tourner du côté de Québec. On espère du gouvernement de François Legault un système de consigne qui forcera davantage la récupération. Cette approche est évidemment redoutée par les embouteilleurs qui n’ont pas envie d’avoir cette responsabilité.

Ce week-end a justement lieu le conseil général de la Coalition avenir Québec avec comme thème l’environnement. Parmi les résolutions qui seront adoptées, certaines toucheront l’interdiction du plastique à usage unique et la lutte contre le suremballage. Il sera également question de redevances sur les bouteilles d’eau. Un grand pas pourrait être franchi dans ce dossier.

Je ne sais pas si François Bonnardel va croiser son collègue Benoit Charette, ministre de l’Environnement, durant cet événement. Ce dernier pourrait lui faire le cadeau d’une gourde. Ça paraît mieux sur les photos.