(Québec) Les policiers se retirent massivement de la consultation sur le projet de loi 21, qui vise à interdire le port des signes religieux à certaines catégories d’employés de l’État.

Lundi, la secrétaire de la Commission des institutions, Carolyne Paquette, a confirmé que le Barreau du Québec s’était également désisté.

Elle a mis à jour la liste des groupes qui participeront, du 7 au 16 mai, aux consultations particulières sur le projet de loi 21. Sept organisations, dont quatre représentant les forces de l’ordre, ne viendront finalement pas présenter un mémoire à la commission.

En contrepartie, quatre groupes se sont ajoutés, a souligné Mme Paquette. Il s’agit de l’Association des musulmans et des Arabes pour la laïcité au Québec, de Louis-Philippe Lampron, de l’Organisme de communication pour l’ouverture et le rapprochement interculturel ainsi que du Rassemblement pour la laïcité.

Les groupes qui se sont retirés sont : l’Association des directeurs de police du Québec, la Fraternité des policiers et policières de Montréal, la Fédération des policiers municipaux du Québec, le Syndicat des constables spéciaux du gouvernement du Québec, le Barreau du Québec, la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement et la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec.

Positions connues

La Fraternité des policiers et policières de Montréal a fait savoir par l’entremise de son porte-parole lundi qu’elle ne juge pas nécessaire de venir témoigner à l’Assemblée nationale puisque sa position « simple et consensuelle » est déjà connue.

« Nous avons toujours estimé raisonnable la recommandation consensuelle de la commission Bouchard-Taylor en faveur de la neutralité religieuse de l’uniforme des policiers et policières », a déclaré Martin Desrochers.

« L’apparence de neutralité religieuse des représentants de l’État dans l’exercice de la fonction policière évite qu’un citoyen en interaction avec un policier ne puisse avoir l’impression d’un biais religieux dans l’application de la loi », a-t-il ajouté.

De son côté, le Barreau du Québec a dit se soucier particulièrement de la protection et du respect des droits et libertés de la personne.

Il a pris connaissance du projet de loi 21 et soumis ses commentaires, lundi, dans une lettre adressée au président de la Commission des institutions, André Bachand.

Le Barreau indique avoir déjà déposé un mémoire dans le cadre du projet de loi 60, présenté en 2013 par le péquiste Bernard Drainville, et s’être prononcé sur le projet de loi 62 du précédent gouvernement libéral par le biais d’une lettre transmise à la commission, sans avoir participé à la commission parlementaire.

Il réitère aujourd’hui les mêmes commentaires, explique sa directrice des communications, Hélène Bisson. « L’interdiction des signes religieux telle que décrite dans le projet de loi 21 est, à notre avis, une atteinte aux droits et libertés fondamentales des chartes canadienne et québécoise. […] L’utilisation des dispositions dérogatoires est un choix politique du gouvernement. Il lui revient donc d’expliquer les raisons de son choix. »

Selon le Barreau, il apparaît clair que le projet de loi 21 « aura des impacts très concrets pour les personnes visées à qui on demande de choisir entre des éléments particuliers de leur foi et leur avenir professionnel. Ce seront des moments déchirants et réels ».

L’organisation fait valoir dans sa lettre que le projet de loi vise aussi particulièrement les juristes. « Sachez qu’à notre connaissance, aucun avocat n’a jamais fait l’objet d’une plainte disciplinaire ayant trait à un manque de neutralité ou à une apparence de manque de neutralité parce qu’il portait un signe religieux dans l’exercice de ses fonctions », souligne le bâtonnier du Québec, Paul-Matthieu Grondin.

Le projet de loi 21 a été déposé le 28 mars dernier à l’Assemblée nationale par le ministre de l’Immigration, Simon Jolin-Barrette.

Une fois adopté, il interdira le port de signes religieux aux employés de l’État en position d’autorité ainsi qu’aux enseignants du primaire et du secondaire.

La loi fera primer l’objectif de laïcité de l’État sur le respect des droits individuels, dont la liberté religieuse, garantis par la Charte canadienne des droits et libertés ainsi que la Charte québécoise des droits de la personne.

En vertu du principe de « droit acquis », les employés visés déjà en fonction pourront cependant continuer à porter leurs signes religieux, tant qu’ils conservent leur poste actuel. Le premier ministre François Legault a déjà évoqué la possibilité de faire adopter sa loi sous bâillon.