Les questions difficiles post-inondation font surface avec insistance alors que tout indique que les niveaux d’eau se stabilisent progressivement.

De passage en Mauricie et dans le Centre-du-Québec, lundi, le premier ministre François Legault a commencé à aborder la question du développement municipal, des relocalisations et de l’immunisation avec plus d’emphase et de clarté.

Ainsi, à Maskinongé, où le maire Roger Michaud lui a fait part d’une réserve foncière trop petite pour relocaliser tous les inondés à moins de faire du dézonage agricole, le premier ministre a reconnu qu’une perte importante de résidences « serait presque dramatique sur les finances de la municipalité ».

« Il va falloir se poser des questions : comment on peut agir dans ces cas-là pour aider les municipalités qui seraient affectées et s’assurer que les décisions ne soient pas prises en fonction d’objectifs à court terme », a-t-il confié, faisant référence à l’appétit municipal pour les taxes foncières, leur seule véritable source de revenus.

Plusieurs experts ont blâmé ces derniers jours la témérité des administrations municipales qui, dans le passé, n’ont très souvent eu aucune hésitation à remblayer ou aménager des territoires à risque d’inondations pour y effectuer du développement afin d’élargir leur assiette fiscale avec des propriétés parfois coûteuses.

En même temps, M. Legault a précisé qu’il serait nécessaire « de minimiser les dégâts à long terme pour la population et éviter aux contribuables québécois de payer à répétition pour des réparations », un rappel des objectifs du nouveau programme qui plafonne les indemnisations et incite les propriétaires à se relocaliser.

Immunisation ou délocalisation ?

De son côté, la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, a reconnu en faisant le point lundi matin que le temps était venu d’avoir une « réflexion plus large sur la façon dont on peut prévenir d’éventuelles inondations, sur des travaux plus généraux, plus larges que simplement du rétablissement post-inondations […] que ce soit par des digues ou d’autres aménagements dans l’environnement ».

« Si de l’argent est disponible dans une enveloppe fédérale, bien sûr que nous seront intéressés à l’utiliser », a-t-elle ajouté en référence aux propos du ministre fédéral de l’Infrastructure, François-Philippe Champagne, qui a rappelé au gouvernement Legault la semaine dernière qu’Ottawa dispose d’un fonds méconnu destiné à l’adaptation aux changements climatiques.

Mais même là, la construction de digues, par exemple, a ses limites, a fait valoir François Legault, après que le maire Michaud lui eut fait part de l’impossibilité d’immuniser la section de sa ville qui est inondée en raison de l’ampleur colossale des ouvrages qui seraient requis.

D’ailleurs, même s’il est ouvert à l’idée d’amorcer des travaux d’immunisation, il a clairement laissé entendre qu’à l’impossible, son gouvernement ne serait pas tenu, notamment à Sainte-Marthe-sur-le-Lac, où le fléchissement d’une digue naturelle a causé une vaste inondation-éclair qui a forcé une évacuation d’urgence de plusieurs milliers de citoyens samedi soir.

« On a beau essayer de prévoir, il va falloir prendre acte : il y a une partie qui est un peu comme une piscine, qui est plus basse à Sainte-Marthe et je pense que, dans ce coin-là, il va falloir arriver à la conclusion qu’on déménage les gens », a laissé tomber le premier ministre.

Plateau atteint

À plus court terme, les nouvelles étaient encourageantes, lundi. « On est en train d’atteindre le plateau dont on parlait en fin de semaine », a indiqué le porte-parole de la sécurité civile, Éric Houde, en entrevue avec La Presse canadienne.

Bien qu’il rapportait toujours une légère hausse au lac Saint-Louis, le lac des Deux-Montagnes, lui, avait atteint un plateau et le lac Saint-Pierre avait amorcé une baisse.

M. Houde avertit cependant que les riverains inondés ne sont pas au bout de leurs peines.

« Ça va rester haut longtemps. Ça s’est installé doucement, la montée a été progressive, ce qui fait que la descente va être progressive aussi. Il va aussi y avoir certaines hausses et ça va redescendre. »

Il rappelle que l’eau retenue par le génie humain, en amont dans les nombreux réservoirs dans les terres, crée une pression qui devra être soulagée : « Les gestionnaires de barrages ont rempli leurs bassins au maximum, mais ces bassins vont devoir descendre pour faire place aux orages estivaux. […] Ça va nécessairement entraîner un débit qui va garder les niveaux élevés indépendamment de la pluie, donc ça va nous garder haut, mais ça va quand même aller en descendant. »

Or, de la pluie, il va y en avoir, mais pas autant que ces derniers jours, selon le météorologue André Cantin, d’Environnement Canada.

« Les secteurs les plus touchés vont recevoir de 15 à 20 millimètres de pluie de mercredi à jeudi, avec des températures qui vont aller en s’élevant jeudi jusqu’au début de la fin de semaine.

“Ce qui reste à fondre va probablement fondre durant cette période », a-t-il dit, ajoutant qu’un autre épisode de pluie de la même amplitude est attendu vendredi.

Des chiffres multipliés par deux et par huit

Les experts ne croient toutefois pas que ces nouvelles précipitations pousseront les niveaux à la hausse, mais ils sont unanimes à dire qu’elles ralentiront le mouvement à la baisse, évidemment.

« On a une phase déjà qui est très critique — qui est derrière nous — de préparation et d’intervention en termes d’inondations et de dommages aux résidences. Une bonne partie est derrière nous et cette phase de rétablissement à venir pourrait être longue, donc il faudra être patient », a averti la ministre Guilbault.

Mais le simple fait de savoir que le nombre de sinistrés pourrait se stabiliser est en soi une bonne nouvelle.

Les chiffres entourant les inondations ont en effet doublé au cours de la fin de semaine à la suite de la montée continue des eaux et, surtout, de la rupture de la digue à Sainte-Marthe-sur-le-Lac, sur les rives du lac des Deux-Montagnes, samedi soir.

La seule exception est du côté du nombre de citoyens évacués qui, eux, sont désormais huit fois plus nombreux.

Lundi soir, le nombre de secteurs en inondation majeure était passé à 12, comparativement à sept vendredi en fin de journée et les plus récentes données faisaient état de 6681 résidences inondées, 3458 résidences isolées et 10 149 personnes évacuées, dont 6000 proviennent de Sainte-Marthe-sur-le-Lac.

Déjà impressionnants, ces chiffres ne sont que partiels puisqu’ils ne comprennent pas les milliers de résidences et citoyens touchés, notamment en Beauce, où l’eau s’est retirée et qui ne sont plus sur les tableaux du gouvernement.

Le corridor sinistré, qui s’étend d’Ottawa-Gatineau à Trois-Rivières en passant par l’intérieur des terres de l’Outaouais, de Laurentides-Lanaudière, la Mauricie, la Montérégie et le Centre-du-Québec, a finalement connu un répit en début de semaine avec du temps sec et froid, qui retarde la fonte des neiges, mais le ruissellement de l’eau tombée ce week-end vers les cours d’eau inondés se poursuit.

Beauce : séances d’information sans journalistes

En Beauce, où les eaux de la Chaudière se sont retirées, une tâche colossale de nettoyage et de rétablissement s’amorce avec peine pour les quelque 1200 sinistrés de Sainte-Marie.

Lundi matin au centre-ville de Sainte-Marie, par exemple, des pelles mécaniques s’affairaient à dégager l’immense amoncellement de débris de toutes sortes ayant été tirés de près d’un millier de bâtiments inondés. Ces débris comprenaient notamment des fenêtres, des parements de maison, des meubles et des articles de plomberie.

Les citoyens de cette municipalité étaient conviés lundi soir à des rencontres d’information sur les programmes d’indemnisation et d’aide financière. Trois rencontres devaient avoir lieu simultanément dans des salles différentes, dont une réservée exclusivement aux entreprises sinistrées, incluant les propriétaires de résidences ou d’immeubles à logements n’y habitant pas.

Des rencontres du même genre ont eu lieu récemment dans d’autres municipalités situées le long de la rivière Chaudière qui ont été touchées par la récente crue des eaux.

Les médias d’information avaient toutefois été avisés qu’ils n’auraient pas accès à ces rencontres, une décision dénoncée par la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ). Dans un communiqué publié lundi, la Fédération rappelle que la présence de journalistes à ces rencontres est essentielle pour informer les sinistrés sur la situation en cours, comprendre leurs préoccupations et les réponses qui leur sont offertes.

La FPJQ fait valoir que ce ne sont pas tous les sinistrés qui peuvent assister à ces rencontres et qu’eux aussi ont le droit d’être informés sur ce qui s’y dit et précise qu’il en va non seulement de la qualité de la couverture médiatique, mais aussi du droit du public à l’information.

Demande à Ottawa

Pour les Beaucerons, comme pour l’ensemble des sinistrés qui verront l’eau se retirer, la tâche ingrate et difficile de rétablissement s’amorcera dans les jours et les semaines à venir.

Les services municipaux seront mis à contribution, mais le premier ministre Legault reconnaît que le défi sera insurmontable pour plusieurs et il a demandé à Ottawa de permettre à ses soldats d’aller un peu au-delà de leur mandat.

« On a fait venir l’armée trois, quatre jours plus tôt qu’à l’habitude, donc on a eu beaucoup d’aide pour les sacs de sable, mais là, les sacs de sable, il faut que quelqu’un les enlève, faut que quelqu’un fasse du nettoyage », a-t-il dit.

« Ce n’est pas tout à fait dans la description de tâches de l’armée canadienne, a reconnu le premier ministre, mais on essaye d’insister auprès de l’armée canadienne pour les avoir pendant le temps du nettoyage. On attend une réponse d’Ottawa. »

Inondation majeure

- Fleuve Saint-Laurent, au lac-Saint-Pierre, en baisse

- Lac des Deux Montagnes, à Sainte-Anne-de-Bellevue, en hausse

- Lac des Deux Montagnes, à Terrasse-Vaudreuil, en hausse

- Lac des Deux Montagnes, à Pointe-Calumet, en baisse

- Rivière de la Petite Nation, en amont de Ripon, en baisse

- Rivière des Mille Îles, en amont du barrage du Grand-Moulin à Deux-Montagnes, en baisse

- Rivière des Mille Îles, en aval du barrage du Grand-Moulin à Deux-Montagnes, en hausse

- Rivière des Mille-Îles, à Bois-des-Filion, en baisse

- Rivière des Outaouais, à la marina de Hull, en hausse

- Rivière des Outaouais, à la Baie Quesnel, en baisse

- Rivière des Outaouais, à la Baie de Rigaud, en hausse

- Rivière Gatineau, au pont du boulevard Fournier, en baisse

Inondation moyenne

- Fleuve Saint-Laurent, à Trois-Rivières, en hausse

- Lac des Deux Montagnes, à Sainte-Anne-de-Bellevue, en baisse

- Lac Maskinongé, à Saint-Gabriel-de-Brandon, en baisse

- Rivière des Prairies, à la tête des rapides du Cheval Blanc, en hausse

- Rivière du Lièvre, en amont du pont-route 311 à Lac-Saint-Paul, en baisse

- Rivière Rouge, en amont de la chute McNeil, en baisse

Inondation mineure

- Fleuve Saint-Laurent, à Lanoraie, en baisse

- Fleuve Saint-Laurent, à Bécancour, en baisse

- Fleuve Saint-Laurent, à Port-Saint-François, en baisse

- Fleuve Saint-Laurent, à Sorel, en hausse

- Lac Aylmer, Au quai de Stratford, en baisse

- Lac Champlain, dans la baie Missisquoi à Saint-Armand, en baisse

- Lac Champlain, à Rouses Point, en baisse

- Lac des Trente et Un Milles, à Sainte-Thérèse-de-la-Gatineau, en baisse

- Lac Memphrémagog, à Memphrémagog, en hausse

- Lac Saint-Louis, à Sainte-Anne-de-Bellevue, en hausse

- Rivière Chaudière, en aval du barrage Mégantic, en baisse

- Rivière Croche, en aval du ruisseau du Huard, en baisse

- Rivière Désert, chemin Lytton en amont de la chute Rouge, en hausse

- Rivière des Outaouais, à Ottawa, au parc Britannia, en hausse

- Rivière du Diable, en amont du pont de la route 117, en baisse

- Rivière du Nord, en amont du pont du CN à Saint-Jérôme, en baisse

- Rivière du Nord, en aval du pont du CP près de Sainte-Agathe-des-Monts, en hausse

- Rivière du Nord, au pont de la route 148 à Lachute, en baisse

- Rivière L’Assomption, au pont-route 158 à Joliette, en baisse

- Rivière Maskinongé, au pont du CN près de Sainte-Ursule, en baisse

- Rivière Matawin, en aval du pont-route 131 à Saint-Michel-des-Saints, en baisse

- Rivière Noire, en amont du pont-route à Sainte-Émélie-de-l’Énergie, en baisse

- Rivière Picanoc, sur le chemin du Lac-Cayamant à Gracefield, en hausse

- Rivière Richelieu, à Carignan aux rapides Fryers, en baisse

- Rivière Richelieu, à Saint-Jean-sur-Richelieu, en hausse

- Rivière Richelieu, à Saint-Paul-de-l’île-aux-Noix, en baisse

- Rivière Saint-Charles, en amont de la Lorette, en baisse

- Rivière Saint-François, au lac Aylmer à Weedon, en baisse

- Rivière Saint-François, en aval du barrage Aylmer, en hausse

Rivières et plans d’eau sous surveillance

- Fleuve Saint-Laurent, à Montréal, près du boulevard LaSalle, en baisse

- Lac Louise, à Weedon, en baisse

- Petite riv. Péribonka, en amont du pont-route 169, en baisse

- Rivière Chaudière, au pont-route 218 à Saint-Lambert-de-Lauzon, en baisse

- Rivière Chaudière, en aval du barrage Sartigan, en baisse

- Rivière Chaudière, au pont-route 271 à Saint-Georges, en baisse

- Rivière Chaudière, au pont-route 276 à Saint-Joseph, en baisse

- Rivière des Mille Îles, à Terrebonne, en baisse

- Rivière du Loup, au pont-route à Saint-Joseph-de-Kamouraska, en baisse

- Rivière Kinojevis, en amont du pont-route à Cléricy, en hausse

- Rivière Madawaska, en aval du barrage Témiscouata, en baisse

- Rivière Ouareau, à la tête des chutes Dorwin, en baisse