Ottawa a confirmé mardi l'arrestation d'un ex-diplomate canadien en Chine, au moment où Pékin brandissait des menaces de représailles liées à la détention de la directrice financière du géant chinois des télécoms Huawei, qui plaidait sa remise en liberté ce même jour devant un tribunal de Vancouver.

À Ottawa, le premier ministre Justin Trudeau a confirmé en début d'après-midi l'arrestation du ressortissant canadien, sans faire de lien avec la procédure en cours contre Meng Wanzhou et les menaces de représailles brandies par Pékin si elle n'était pas libérée rapidement.

« Nous sommes au courant qu'un Canadien est détenu en Chine. Nous avons été en contact direct avec les Chinois », a-t-il dit, interrogé par des journalistes sur des informations d'une ONG faisant état de l'arrestation de Michael Kovrig, un expert canadien de l'Asie du Nord-est qui a par le passé été diplomate à Pékin, Hong Kong et aux Nations unies.

Le ministre de la Sécurité publique Ralph Goodale s'est dit « très préoccupé » par cette arrestation, tout en soulignant qu'à ce stade aucun lien direct entre les deux affaires n'avait pu être établi.

Washington a de son côté également fait part de son « inquiétude » et a appelé Pékin à cesser « toutes les formes d'arrestations arbitraires ».

La directrice financière de Huawei, âgée de 46 ans, avait été arrêtée le 1er décembre lors d'une escale à l'aéroport de Vancouver à la demande de la justice américaine, qui la soupçonne d'avoir fraudé pour contourner les sanctions américaines contre l'Iran.

Appuyée par Pékin, Mme Meng a demandé sa remise en liberté conditionnelle, invoquant notamment des problèmes de santé et un traitement à l'hôpital pour hypertension.

Surveillance électronique

La fille du fondateur du numéro deux mondial des téléphones intelligents s'est engagée à se soumettre à une surveillance électronique stricte, à ses frais, pendant toute la durée de la procédure. En raison de nombreuses possibilités d'appel, une procédure d'extradition peut durer plusieurs mois, voire plusieurs années.

Le juge de Vancouver qui doit trancher sur cette demande pourrait annoncer sa décision dans la journée de mardi. Mais en raison de la complexité du dossier et des enjeux internationaux, il pourrait également prendre le temps de la réflexion et mettre sa décision en délibéré.

Le représentant du procureur est opposé à toute remise en liberté, en raison des risques de voir Mme Meng et son mari échapper à leur surveillance et s'enfuir en Chine.

L'audience de mardi s'est concentrée sur le mari de la femme d'affaires, Liu Xiaozong, qui s'est dit prêt à se porter caution à hauteur de 15 millions de dollars, soit le prix estimé de leurs deux propriétés à Vancouver, et un dépôt d'un million de dollars.  

Mais le juge s'est interrogé mardi sur la validité de cette caution alors que le mari, qui ne réside pas au Canada, est arrivé à Vancouver avec un visa de touriste de six mois.

Mardi matin, les conseils de Mme Meng ont présenté quatre autres personnes susceptibles de se porter caution à la place de Liu Xiaozong.

Boycottage de manteaux

La femme d'affaires dément les accusations portées contre elle par les États-Unis, où elle est accusée de « complot d'escroquerie au détriment de plusieurs institutions financières ».

Elle leur aurait caché les liens entre Huawei et l'une de ses filiales, qui cherchait à vendre des équipements à l'Iran malgré les sanctions américaines. Elle encourt plus de 30 ans de prison.

Piquées au vif par l'arrestation de Mme Meng, les autorités chinoises ont multiplié les pressions sur Ottawa et Washington ces derniers jours.

Le ministère chinois des Affaires étrangères a notamment dénoncé un traitement « inhumain » de sa ressortissante et affirmé que le Canada n'avait pas informé immédiatement les autorités consulaires chinoises de l'arrestation de la dirigeante, en violation d'un traité bilatéral.

« La Chine ne restera jamais les bras croisés face aux mauvais traitements qui portent arbitrairement atteinte aux droits et intérêts légitimes des citoyens chinois », a déclaré mardi le chef de la diplomatie chinoise Wang Yi, apparemment en référence indirecte à la détention de Mme Meng.  

En Chine, les appels au boycottage des manteaux de luxe de la marque Canada Goose se sont multipliés, provoquant une chute de 11 % du cours de ses actions à New York entre jeudi et lundi soir. Le cours a repris quelques forces mardi.

La crise diplomatique ne semble en revanche pas affecter la récente trêve dans la guerre commerciale sino-américaine : le ministère chinois du Commerce a évoqué un calendrier de négociations et Donald Trump de son côté a parlé mardi de « discussions fructueuses » susceptibles de déboucher sur de « grosses annonces ».