Au moment où elle a décroché son premier emploi d'hôtesse dans un restaurant, Tari Shear s'attendait à devoir endurer sa dose de harcèlement sexuel comme si cela faisait partie du travail.

Forcée de tolérer des avances non désirées de la part de clients et de collègues, Tari Shear raconte même qu'elle était renvoyée chez elle si ses vêtements n'étaient pas assez aguichants au goût de ses patrons.

Elle est depuis passée à autre chose et occupe maintenant un emploi dans un bureau, mais elle entend encore des témoignages d'horreurs vécues par des travailleuses de la restauration. Des femmes qui sont victimes de commentaires sexuels, d'attouchements inappropriés et dont l'apparence physique est constamment scrutée.

«Ça empêche les gens de parler. Ça fait en sorte que vous tolérez des choses que vous ne seriez jamais capable de tolérer», mentionne Mme Shear qui compte encore beaucoup d'amis dans le milieu. «Il faut un réel changement de culture», insiste-t-elle.

Le scandale qui a éclaté cette semaine, à la suite d'allégations d'inconduite sexuelle contre un vigneron de l'Ontario, a poussé plusieurs acteurs de l'industrie de la restauration à réclamer des changements. Ils soutiennent que l'industrie de l'alimentation et du vin est imprégnée par un grave problème de sexisme.

Une toute nouvelle vigilance a semblé s'éveiller à la suite des excuses formulées par le vigneron Norman Hardie «à toutes les personnes qui se sont senties marginalisées, rabaissées ou traitées comme des objets» en travaillant à ses côtés.

Le Globe and Mail a été le premier média à rapporter en début de semaine de nombreuses allégations d'inconduite sexuelle contre le vigneron du Comté de Prince Edward, en Ontario. Les témoignages incluent des attouchements sexuels et des remarques déplacées.

Norman Hardie a reconnu certains faits, mais a nié d'autres allégations rapportées par le quotidien.

Plusieurs joueurs de l'industrie ont réagi, dont la Société des alcools du Québec et la Régie des alcools de l'Ontario qui ont cessé la vente de ses produits.

Le scandale a alimenté le débat au sujet du harcèlement dans l'industrie de la restauration au Canada, mais le chef et copropriétaire du restaurant montréalais Joe Beef, David McMillan, considère que des voix importantes demeurent silencieuses.

«Je suis renversé de voir le silence de certaines personnes. Où sont mes pairs et mes collègues?», s'interroge-t-il.

Avec une main d'oeuvre jeune et économiquement vulnérable, David McMillan croit que le monde dur de la restauration empêche trop de victimes de parler. Celles-ci craignent de subir des représailles en dénonçant.

Appuyé par une équipe de femmes fortes, il dit faire de son mieux pour créer un environnement de travail sécuritaire, mais il y a un facteur qu'il ne contrôle pas: les clients.

«Je vois plus de comportements inappropriés envers mon personnel de la part de clients que j'en vois à l'interne dans n'importe quel restaurant», observe le chef réputé.

Il ajoute que tout client pris à traiter cavalièrement une employée devra s'excuser ou quitter le restaurant.