Mis en place sur les chapeaux de roues, le Service de vérification de l'intégrité des entreprises, qui relève de l'Unité permanente anticorruption (UPAC), éprouve encore des problèmes. Les communications internes présentent bien des lacunes et le chevauchement des tâches est souvent source de frictions entre les employés.

En gros, les enquêteurs de cette division manquaient de soutien, ce qui expliquait le taux de roulement anormalement élevé observé dans le passé, estime un rapport interne rendu public vendredi. La situation s'est améliorée depuis l'an dernier, constate-t-on aussi. En décembre dernier, le ministre Martin Coiteux avait demandé à l'UPAC de préciser les gestes posés pour redresser la situation après des rapports préoccupants, en 2016, sur la gestion du personnel dans cette organisation.

En point de presse, à Québec, le commissaire Robert Lafrenière a rappelé que cette direction avait été mise en oeuvre « sur les chapeaux de roues » : la loi avait été adoptée en décembre 2012 et le mandat de vérification des entreprises tombait entre les mains de l'UPAC, « qui n'était pas prête à ça ». L'unité devait vérifier l'intégrité des entreprises qui sollicitaient des contrats publics, un passage obligé avant la certification accordée par l'Autorité des marchés financiers.

« On ne voulait pas retarder l'économie, on voulait que les dossiers sortent. »

C'est la raison pour laquelle, dans cette division, « on a négligé un peu le côté administration, la gestion des ressources humaines. On a éteint les feux », dira-t-il, repoussant toutes les questions relatives au dossier de Guy Ouellette.

Dès le printemps 2016, l'ex-commissaire adjoint Marcel Forget avait constaté le problème, les employés avaient été rencontrés à l'été, des gestes ont été posés à l'automne. Le roulement de personnel avait été l'élément déclencheur : « On formait des gens, et ils partaient. On est parvenus à arrêter l'hémorragie », résume M. Lafrenière. À la suite d'une série de fuites dans les médias, M. Forget, le numéro 2 de l'UPAC, a démissionné en décembre dernier.

SITUATION DIFFÉRENTE AUX ENQUÊTES CRIMINELLES

Fait important, les problèmes de relations de travail qui ont terni l'image de l'UPAC depuis quelques mois sont limités à la division chargée de vérifier l'intégrité des entreprises, en amont de la certification de l'Autorité des marchés publics. L'unité qui s'occupe des enquêtes criminelles n'est pas contaminée par le même climat de travail. Les deux groupes ne travaillent même pas dans le même édifice, a souligné M. Lafrenière.

Après avoir réclamé avec insistance ces rapports, caviardés dans un premier temps, le critique de l'opposition péquiste, Pascal Bérubé, a vite mis de côté leurs conclusions. Il réclame désormais la publication d'un autre rapport, produit sur le climat de travail dans la division des enquêtes de l'UPAC, produit par Karine Martel, des ressources humaines à la SQ. Plus tôt, M. Lafrenière avait indiqué n'avoir jamais pris connaissance de ce document, relevant de la SQ (certains enquêteurs de l'UPAC sont toujours des employés de la Sûreté). En fait, il s'agirait davantage de notes manuscrites que d'un rapport formel.

M. Bérubé refuse d'accorder sa confiance au commissaire Lafrenière. Il observe que le ministre Coiteux n'a pas cautionné publiquement le policier et qu'il a choisi de ne pas venir expliquer les rapports diffusés vendredi. Il avait agi différemment dans le dossier du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), note-t-il.

« C'est un exercice incomplet, inutile, voire de complaisance. »

Quant au rapport remis au ministre de la Sécurité publique, il soulève aussi des problèmes de communications internes au service de vérification. « Les décisions et orientations ne sont pas partagées au personnel » et l'information circule « principalement de façon informelle ». On tiendra des réunions statutaires toutes les deux semaines pour que tous les employés disposent des mêmes informations. « J'ai imposé des choses, il y aura une réunion de tous les employés sur les questions organisationnelles et administratives. Souvent, les solutions passent par les communications », a insisté vendredi le commissaire Lafrenière.

Dans la lettre transmise jeudi au ministre Coiteux, Robert Lafrenière, patron de l'UPAC, rappelle que la mise en place de ce service de vérification ne pouvait s'appuyer sur des précédents.

Cette vérification de l'intégrité des entreprises était éloignée des responsabilités habituelles des policiers. « La création du service de vérification de l'intégrité s'est avérée un défi en soi », écrit le commissaire Lafrenière. Manque d'effectifs, départs nombreux, le suivi des dossiers a aussi « souffert d'un manque d'indicateurs de performance permettant de mieux guider les actions du service », poursuit M. Lafrenière.

FRUSTRATIONS

Les « changements fréquents de priorités ont généré une frustration supplémentaire [...], frustration qui s'est amalgamée [aux autres]. Tout ceci a joué un rôle dans le taux de départs volontaires observé », ajoute-t-il.

Comme mesure corrective, il promet de donner plus d'autonomie aux analystes, de leur donner des instructions plus claires, de préciser leurs fonctions « afin de réduire les frictions liées au chevauchement des fonctions ».

Les dossiers, les demandes d'accréditation des entreprises auprès de l'Autorité des marchés financiers, seront divisés en catégories selon leur urgence. Les dossiers jugés non prioritaires seront traités dans la filière existante, le traitement des autres sera accéléré.