Les renseignements personnels des quelque 8000 participants aux Jeux mondiaux des policiers et pompiers de 2009 à Vancouver, dont ceux d'au moins 200 policiers québécois, se sont retrouvés dans les mains de voleurs en 2015, a appris La Presse. Cette brèche de sécurité, prise très au sérieux par les autorités fédérales, a été découverte par hasard à l'occasion d'un contrôle routier.

Cette liste au contenu très délicat se cachait dans une clé USB saisie par des patrouilleurs dans une voiture le 9 novembre 2015, à Maple Ridge, en banlieue de Vancouver. La Gendarmerie royale du Canada (GRC) a découvert dans la clé qu'un fichier nommé « Team Captain » contenait des renseignements permettant à des criminels de voler l'identité de policiers. On y trouvait le nom des 8021 participants aux Jeux mondiaux des policiers et pompiers de 2009, de même que leur date de naissance, leur adresse, leurs numéros de téléphone, leur adresse électronique, le nom de leur employeur et leur fonction. Des athlètes de 50 pays se retrouvaient dans cette liste.

Cette découverte a suscité un branle-bas de combat au sein des organismes fédéraux, révèlent des dizaines de lettres et de courriels sur cette affaire obtenus en vertu de la Loi sur l'accès à l'information auprès du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada (CPVPC). L'organisme avait été alerté en janvier 2016 par l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC).

La GRC s'est ainsi démenée pendant près d'un an pour informer toutes les organisations touchées. Pas moins de 756 employés de six institutions fédérales, soit la GRC, le ministère de la Défense, Service correctionnel Canada, le Service canadien de la faune, Pêches et Océans Canada et l'ASFC, se trouvaient sur cette liste.

Au Québec, au moins 200 policiers et pompiers, sans compter les douaniers et les agents correctionnels, avaient fait le voyage à l'autre bout du pays pour participer à cette compétition à l'été 2009, dont environ 130 policiers de la Sûreté du Québec (SQ) et une quarantaine de policiers de la Ville de Québec.

Aucun cas de fraude rapporté

Or, aucun service de police contacté par La Presse n'a rapporté de vol d'identité ou de cas de fraude en lien avec cette fuite, dont on ignore toujours l'origine. « La GRC nous a contactés pour nous informer effectivement que cet homme avait été retrouvé en possession de cette clé », a indiqué Hugo Fournier, porte-parole de la SQ.

« Chaque policier a été avisé que cet événement s'était produit. Finalement, on n'a eu aucun cas [de fraude] rapporté », a dit la commandante Marie-Claude Dandenault du SPVM, qui n'était pas en mesure d'indiquer le nombre de policiers avisés. « Oui, il y avait des policiers de Laval parmi ceux de 2009. », a expliqué Évelyne Boudreau, porte-parole du Service de police de Laval (SPL).

Pas d'accusation 

Les deux suspects arrêtés en possession de la clé n'ont finalement pas été accusés de l'avoir volée, faute de preuves, a indiqué à La Presse un porte-parole de la GRC de Ridge Meadows. Une lettre de la GRC de juillet 2016 envoyée aux agences gouvernementales canadiennes et étrangères révèle que les voleurs avaient mis la main sur la clé USB en volant un ordinateur un an avant leur arrestation.

« Nous ne croyons pas que l'acquisition de ces informations personnelles était préparée avec l'intention de causer du tort aux participants. »

- Extrait d'une lettre de la GRC, obtenue par La Presse, envoyée aux agences gouvernementales canadiennes et étrangères

Néanmoins, même à ce moment de l'enquête, la GRC se préparait toujours au pire scénario. « Par précaution, il devrait être assumé que ces informations ont été disséminées publiquement à un degré inconnu », peut-on lire dans la lettre. En fin de compte, il semble qu'aucune fraude liée au vol de cette liste n'ait été commise.

Un échange de courriels obtenus par La Presse souligne aussi un problème de communication entre la GRC et certains ministères. « Personne de notre bureau n'est au courant », s'étonne une fonctionnaire de la Défense nationale dans un courriel envoyé à la GRC, neuf mois après la saisie de la clé. Il s'avère que la GRC avait informé la Défense dans un courriel en avril, mais que personne ne l'avait traité.

L'organisation américaine qui gère les Jeux mondiaux des policiers et pompiers n'a pas donné suite aux appels de La Presse.

- Avec la collaboration de William Leclerc, La Presse