Alors qu'Irma s'apprête à frapper la Floride de plein fouet, de nombreux propriétaires de résidences, dont des milliers de Québécois, ne détiennent aucune assurance habitation ou encore une couverture insuffisante. Une situation troublante qui laisse présager des lendemains difficiles, estiment des experts de l'immobilier.

Céline Corriveau, gestionnaire immobilière propriétaire de plusieurs condos à Pompano, se dit « éberluée » par le nombre de personnes qui déclinent toute protection. « Je ne songerais jamais à avoir une propriété non assurée, mais il y a plein de gens que je connais en Floride qui n'ont pas d'assurance. »

Bien des acheteurs paient leur propriété comptant et refusent du même coup de s'assurer. Ceux qui détiennent une hypothèque sont pour leur part tenus de contracter une assurance, mais ils négligent souvent de se prémunir contre les ouragans et les inondations.

« Il arrive souvent que les gens se rendent compte après la destruction qu'ils n'étaient pas couverts pour les ouragans », observe Paul Connolly, courtier immobilier d'origine montréalaise, joint par La Presse alors qu'il se préparait à évacuer sa maison de Boca.

TAUX DE PROTECTION EN BAISSE

À peine 42 % des résidences situées dans les 38 comtés situés le long des côtes floridiennes sont assurées contre les inondations, selon une enquête de l'Associated Press. Un si faible niveau de couverture aurait été impensable après le passage du dernier ouragan vraiment dévastateur en Floride, soit Andrew en 1992, avance Martin Rivard, président du courtier d'assurances Boynton Insurance Agency, sur la côte Est de l'État.

« Dans les deux années après qu'Andrew a frappé, il n'était absolument pas question que des gens ne soient pas assurés contre les ouragans et les inondations, a-t-il expliqué à La Presse. Tranquillement pas vite, année après année, la mentalité a changé un petit peu. »

« Les gens se sont mis à dire : "Ça fait des années qu'on n'a pas été frappés par un ouragan majeur. Quelles sont les chances que ça se produise ?" »

Des propriétaires négligents s'en sont mordu les doigts cette semaine, alors qu'ils prenaient conscience de l'ampleur - et de la trajectoire - d'Irma. Martin Rivard donne l'exemple d'un acheteur de maison qui a refusé une couverture d'assurance il y a quelques semaines, afin d'économiser la prime annuelle de 725 $US. « Il m'a rappelé mardi en voulant s'assurer, mais lorsque l'ouragan est déjà ici, c'est trop tard. »

PERCEPTION ERRONÉE

Les problèmes les plus criants se trouvent dans les immeubles de copropriétés, où des milliers de Québécois ont déniché des aubaines après la crise immobilière de 2008.

Beaucoup refusent de contracter une assurance pour éviter de payer une prime annuelle. D'autres, qui détiennent une couverture de base, croient que les assurances de leur syndicat de copropriété les protégeront en cas d'ouragan.

Rien n'est plus faux, tranche la gestionnaire Céline Corriveau. Si Irma fait des ravages, les copropriétaires devront non seulement payer pour les dommages subis à l'intérieur de leur appartement, mais ils pourraient aussi devoir verser une cotisation extraordinaire à leur syndicat si l'immeuble subit des dégâts trop importants.

DES CENTAINES DE MILLIARDS ?

Les résidants de la Floride croisent encore les doigts pour qu'Irma change de trajectoire ou perde de la vigueur au cours des prochaines heures. Quoi qu'il en soit, divers analystes s'attendent à ce que cet ouragan cause une dévastation nettement plus considérable qu'Andrew, en 1992, responsable de 26 milliards US de dégâts.

Si Andrew frappait de nouveau aujourd'hui, les dommages pourraient osciller entre 50 et 180 milliards US, selon une simulation du réassureur Swiss Re. Irma est toutefois beaucoup plus vaste et puissant, de sorte que les dommages pourraient se calculer en centaines de milliards.