Beaconsfield vient de remporter une première victoire pour la protection d'un bois... que les citoyens devront toutefois cesser de fréquenter. La Cour supérieure estime que la Ville a respecté les lois en restreignant l'aménagement du secteur, mais a statué que les visiteurs n'y sont plus les bienvenus.

Beaconsfield tente de protéger depuis plusieurs années un bois sur son territoire, ayant adopté en 2010 un règlement de contrôle intérimaire pour restreindre les constructions permises à cet endroit. Mécontents, les deux propriétaires du bois Angell, Yale Properties et Seda Holdings, ont intenté des poursuites contre la municipalité, dont l'une qui réclame pas moins de 17 millions.

Première poursuite à être tranchée, celle de Yale demandait aux tribunaux de déclarer illégal ce règlement de contrôle intérimaire, puisque le promoteur estimait qu'il l'empêchait d'exploiter son terrain. Il comptait y aménager 216 maisons. Il y voyait de plus une expropriation déguisée.

La juge Johanne Mainville, de la Cour supérieure, a toutefois rejeté la demande. « Les faits mis en preuve ne permettent pas de conclure que la Ville aurait agi de mauvaise foi lors de l'adoption de la résolution de contrôle intérimaire », écrit-elle.

Si le règlement limite les aménagements possibles, il ne les interdit pas complètement. « On ne peut donc conclure à une expropriation déguisée », poursuit la juge. Celle-ci reconnaît que le règlement peut sembler discriminatoire « lorsque comparé aux normes applicables à l'ensemble de la municipalité, toutefois il s'agit d'une discrimination légale ».

Ce jugement risque donc de durement porter atteinte à la deuxième poursuite contre Beaconsfield, puisqu'elle réclame 17 millions pour ce qu'elle qualifie aussi d'expropriation.

INTERDICTION DE CIRCULER SUR LES TERRAINS 

Le maire de Beaconsfield a salué la décision de la Cour supérieure. « Ce jugement confirme que nos actions ont toujours été entreprises dans le respect de tous, des droits de chacun et au bénéfice de la communauté », s'est félicité Georges Bourelle.

Tout en donnant raison à Beaconsfield, la juge lance toutefois un avertissement au groupe de citoyens militant pour la préservation de cet espace vert, l'Association pour la protection du bois Angell. Le jugement leur interdit de circuler sur les terrains. L'Association doit retirer de son site tout document identifiant des sentiers dans le bois. Elle doit aussi cesser de promouvoir toute activité dans le bois.

Le responsable de l'Association, Stephen Lloyd, se dit tout de même « vraiment content du jugement. Ça démontre que la protection de l'environnement prime sur la valeur économique ».

Quant à l'interdiction d'arpenter les terrains privés, M. Lloyd reconnaît que certaines pancartes de son groupe affichent des sentiers traversant ceux-ci et compte y remédier. « C'est vrai que ça peut sembler encourager les gens à aller y marcher, alors on va les enlever. On a toujours dit à nos membres de ne pas aller sur les terrains privés », dit M. Lloyd. Reste que la moitié du bois, appartenant soit au fédéral, à la Ville de Montréal, à Canards Illimités ou à son Association, demeurent disponibles.