Peindre une ligne blanche sur la chaussée - la solution la plus populaire à Montréal - n'est pas suffisant pour protéger et encourager les enfants et les aînés à se déplacer à vélo, concluent des chercheurs américains.

La sécurité des cyclistes augmente de 89 % lorsqu'ils roulent sur une piste cyclable séparée physiquement des automobilistes, écrivent John Pucher et Ralph Bueler dans leur récente étude Tendance sur la sécurité des piétons et cyclistes, publiée dans l'American Journal of Public Health. Les bandes cyclables, qui n'offrent pas de protection physique, sont moins efficaces, augmentant la sécurité de 53 %. Le taux de mortalité des cyclistes a diminué dans les 11 pays étudiés par les chercheurs entre 1990 et 2014. Les pays ayant choisi en priorité les pistes cyclables protégées sont ceux où la réduction a été la plus forte.

PLUS D'ENFANTS ET DE FEMMES

Construire des pistes cyclables protégées du trafic automobile produit des effets immédiats : les enfants, les femmes et les aînés choisissent de se déplacer à vélo, explique en entrevue John Pucher, professeur émérite et chercheur associé au centre sur les transports de l'Université Rutgers et coauteur de l'étude. « C'est vrai en Australie, c'est vrai en Europe, au Canada, aux États-Unis. Si vous avez des artères avec des camions et des autobus, ce n'est pas un endroit où bien des gens aimeraient aller risquer leur vie - et je ne les blâme pas. Mais quand l'infrastructure sécuritaire est là, les gens l'utilisent. »

MONTRÉAL : DU VÉLO DANS UNE CIRCULATION DENSE

Montréal a « des années-lumière » d'avance sur la plupart des villes d'Amérique du Nord en ce qui concerne la culture cycliste, note M. Pucher. Malgré la popularité du vélo, les pistes cyclables protégées du trafic sont encore rares dans les quartiers centraux de Montréal, où les aménagements favorisent avant tout l'utilisation de l'automobile. « Lors d'un séjour à Montréal, il y a quelques années, j'essayais d'aller voir l'oratoire Saint-Joseph à vélo à partir du centre-ville. La seule façon d'y aller était de rouler sur une artère avec beaucoup de trafic automobile. J'ai pédalé le plus vite que j'ai pu. Ce n'était pas très agréable. C'est bien d'avoir un réseau cyclable, mais quand vous arrivez au bout et que vous êtes laissé à votre sort, ça n'aide pas les gens à faire le choix du vélo au quotidien. »

16 X

De 2000 à 2015, dans la ville de Séville, en Espagne, le nombre de déplacements à vélo est passé de 0,5 % à 7,8 %. Bref, il a été multiplié par 16. Ce qui a changé ? « La Ville a construit plus de 300 km de pistes cyclables séparées physiquement du trafic automobile, dit John Pucher. Le réseau est moderne, et il est interconnecté. Le taux d'accidents a aussi beaucoup diminué. »

ÉCOUTER LA POPULATION

Pour les élus, bâtir un réseau cyclable séparé physiquement des voitures dans les quartiers centraux est souvent placé dans la pile des projets trop difficiles à réaliser. Pourtant, des chercheurs ont identifié la marche à suivre. « Il faut réunir les citoyens, les commerçants, les groupes d'aînés... Il faut faire une consultation et demander aux gens de proposer des idées, des solutions, dit M. Pucher. À Vienne, c'est la méthode que la Ville a employée. La Ville a construit des stationnements à étage dans plusieurs quartiers pour dégager la rue et aménager des pistes cyclables. Il faut bâtir un consensus. C'est la seule façon d'y arriver. »

TRAGÉDIE À TORONTO

L'absence de séparation physique entre les cyclistes et le trafic automobile a fait les manchettes à Toronto il y a deux mois, quand le jeune Xavier Morgan, 5 ans, qui roulait à vélo avec son grand-père sur la piste cyclable du boulevard Lake Shore, a perdu le contrôle de son vélo et a dévié dans le trafic, où il a été happé mortellement par une voiture. Après le drame, la Ville de Toronto a érigé des barrières le long de cette piste cyclable, qualifiée depuis longtemps de non sécuritaire par ses usagers. La Ville a annoncé son intention de revoir la sécurité de ses aménagements cyclables.