Les coups de feu venaient à peine d'être tirés. Ils s'étaient réfugiés sur le tarmac et avaient déjà composé le numéro de leur fille. « Quand tu vas voir ce qui se passe à la télé, ne t'inquiète pas, on est en sécurité », ont dit Fanny Paquette et son mari à leur fille Béatrice, qui attendait leur retour à Montréal. Les retrouvailles ont finalement eu lieu 24 heures plus tard, après que le couple eut pris place à bord d'un avion au départ de Miami.

Mme Paquette et son mari Jacques Bouchard sont rentrés au pays hier après-midi, sains et saufs. Au terminal des arrivées internationales de l'aéroport Montréal-Trudeau, leur fille Béatrice Bouchard les attendait, le coeur léger.

« Hier, quand ma mère m'a appelée, j'étais en train de travailler à l'hôpital, raconte l'étudiante en médecine. Je n'étais au courant de rien, je pense même que ma mère était encore en train de courir pour se mettre à l'abri. »

« On voulait l'appeler le plus vite possible, répond Mme Paquette. On savait que ce serait partout aux nouvelles et on ne voulait pas qu'elle s'inquiète, parce qu'elle savait qu'on était à l'aéroport de Fort Lauderdale. »

« RUN ! SHOOTER ! RUN ! »

Les vacances à leur résidence secondaire de Boca Raton étant terminées, Mme Paquette et M. Bouchard s'apprêtaient à rentrer au pays. Avec leur chienne Marimba, ils attendaient leur vol d'Air Canada, assis au deuxième étage du terminal 2 de l'aéroport de Fort Lauderdale. Puis, tout s'est mis à débouler.

« Mon mari a entendu [quelque chose], puis on a vu une meute de gardes passer en criant : "Run ! Shooter ! Run !" ("Courez, il y a un tireur, courez !"). Mon mari m'a prise par le bras et m'a tirée sous un banc. », raconte Fanny Paquette.

À l'étage inférieur, au moins cinq personnes venaient de tomber sous les balles d'Esteban Santiago.

« On a vu que la porte vers le tarmac était ouverte, alors on s'est dirigés par là. On s'est mis à l'abri à l'extérieur durant une trentaine de minutes, si ce n'est pas plus, raconte Mme Paquette, son chien dans les bras. Quand les lieux ont été sécurisés, nous sommes retournés attendre à l'intérieur. Notre chienne était sur le banc où on l'avait laissée. Elle pleurait, mais elle nous attendait. »

Ils sont restés confinés à cet endroit jusqu'à 22 h. Selon eux, tout le monde coopérait très bien et ils n'ont pas senti de mouvement de panique.

DIRECTION MIAMI

Le couple n'a pas eu de difficulté à rentrer au pays. Air Canada avait annoncé qu'« afin d'aider les clients à se rendre à destination dans les plus brefs délais, [le transporteur prévoyait] ajouter des vols et exploiter de plus gros appareils au départ et à destination de l'aéroport international de Miami ».

Membre Super Élite d'Air Canada, le couple a rapidement été pris en charge par la compagnie. Hier, à 15 h 34, il est rentré au Québec en provenance de Miami. Dans le même avion, un autre couple de Québécois est rentré aussi, mais grâce à sa débrouillardise.

« Notre vol initial était vendredi soir, à Fort Lauderdale, raconte Michèle Morin. Quand on a vu ce qui se passait, on a vite su que notre vol serait annulé. On a appelé Air Canada, qui nous a réservé un vol de remplacement pour [samedi] matin, de Fort Lauderdale. Je me suis dit : "C'est sûr qu'aucun avion ne décolle de là demain matin." Alors on a pris des billets à partir de Miami. »

Ils ont eu le bon réflexe. Les vols en partance du terminal 2 de Fort Lauderdale n'ont repris qu'en fin de journée, hier.

COINCÉS EN FLORIDE

D'autres Québécois demeurent toutefois coincés en Floride. Grâce à son agent de voyages, Johanne Berry reviendra lundi, au départ de Miami. « Je suis chez des amis et j'ai mes affaires parce qu'un bon Samaritain a ramassé ma valise », dit-elle.

Ayant tout abandonné dans sa fuite, Catherine Vachon est retournée à son appartement en vêtements d'hiver. Et a décidé de faire contre mauvaise fortune bon coeur en s'achetant un maillot rudimentaire. Air Canada n'a pas réussi à lui trouver un siège avant mardi. Elle fait donc des pieds et des mains pour dénicher mieux, afin de rentrer au travail et d'éviter que son fils de 10 ans ne rate une journée d'école.

« Quand ça tirait, il m'a dit : "Maman, je ne veux pas mourir parce que j'ai un match de hockey demain." », raconte Catherine Vachon.

« Aujourd'hui, il va bien, mais il ne veut pas m'accompagner à l'aéroport pour récupérer nos valises. Je m'attends à un petit backlash au retour. Ça va prendre un certain temps pour que les émotions soient digérées. Disons que tu n'entends plus les sirènes de police de la même manière. »

- Avec la collaboration de Marie-Claude Malboeuf, La Presse