Les pouvoirs publics doivent cesser de privilégier la fluidité de la circulation automobile à tout prix et agir davantage pour favoriser le transport actif tels la marche, le vélo et le transport en commun.

«Ça ne suffira pas de dire que les gens doivent être plus polis les uns avec les autres; la ville doit être conçue pour la sécurité et la convivialité», a martelé Félix Gravel, de Piétons Québec, en conférence de presse, lundi, à Montréal.

En tout, une douzaine d'organismes oeuvrant en santé, en transport et en environnement ont livré un verdict très sévère à l'endroit des décideurs pour leur incapacité à prendre au sérieux les besoins et la sécurité des cyclistes et des piétons, de même que les bienfaits d'encourager ces modes de transport.

«Si on veut favoriser cyclistes et piétons, il faut leur faire de l'espace physiquement, concrètement, aux intersections», a fait valoir le docteur Patrick Morency, de la Direction de la santé publique, qui a parlé d'une «épidémie de décès, de blessures graves et de handicaps» imputables à l'utilisation de la voiture en milieu urbain.

Les intervenants ont déploré de voir les piétons et cyclistes traités comme des «usagers résiduels», notant par exemple que les aménagements piétonniers qui étaient prévus pour le nouvel échangeur Turcot sont maintenant disparus, bien qu'ils ne représentaient qu'une fraction minime du coût de 4 milliards $ du projet.

«Ça se passe chaque fois qu'on fait des travaux: on voit le projet annoncé avec des aménagements piétons et cyclables et après, finalement, c'est coupé. Pourquoi? Parce qu'on nous dit que c'est trop cher, alors qu'on parle de montants infimes», a déploré M. Gravel.

Les organismes réclament que 5 pour cent des budgets alloués en infrastructures de transport soient consacrés à la mise en place de pistes cyclables et à des aménagements des rues, trottoirs et intersections pour accroître la sécurité des piétons et cyclistes.

Suzanne Lareau, présidente et directrice générale de Vélo Québec, a rappelé que les rues n'ont pas une géométrie variable et qu'il faut repenser leur utilisation en fonction de l'espace disponible pour y inclure un espace cycliste et piétonnier sécuritaire et convivial, ce qui implique des compromis de la part des automobilistes.

«Est-ce que je dois retirer une voie de stationnement ou est-ce que je dois retirer une voie de circulation? Ce sont là les choix qu'on doit faire», a-t-elle souligné.

À l'autre bout du spectre, le docteur Éric Notebaert, de l'Association canadienne des médecins pour l'environnement, a avancé des propositions visant à décourager l'usage de l'automobile.

«Limiter l'extension du réseau routier, limiter les places de stationnement de façon sévère, augmenter le coût du stationnement, augmenter les droits d'immatriculation - particulièrement pour les VUS - et même considérer un tarif d'entrée dans les villes», a-t-il énuméré parmi les moyens à envisager.

Les organismes saluent le discours procycliste de la Ville de Montréal, mais déplorent qu'il ne se traduise que de manière parcellaire dans les faits: en 2008, la métropole s'était engagée à allonger le réseau cyclable de 400 kilomètres en cinq ans, mais n'a pu faire mieux que 30 à 40 kilomètres par année, alors que le réseau de 700 kilomètres, selon eux, devrait être doublé pour être fonctionnel.

Ils font valoir que toute augmentation du transport actif se traduit par une diminution de la pollution et des gaz à effet de serre et une amélioration de la santé de la population, notamment au chapitre de l'obésité.

Ils soulignent que la ville de Montréal prévoit des travaux durant plusieurs années et estiment qu'il s'agit d'une occasion unique de réaliser des pas importants en ce sens, si les décideurs sont prêts à faire les choix qui s'imposent.

«Quand on refait des artères à Montréal, il faut penser à tous les usagers de la route», a indiqué Mme Lareau.