Un jeune notaire de Laval qui avait mis sur pied une véritable « usine de production d'actes notariés à rabais » a reçu l'ultime sanction de son ordre professionnel pour ses innombrables entorses déontologiques : la radiation permanente. Jean-Manuel Estrela a commis de « très sérieuses » et « graves » infractions concernant plus de 2000 actes notariés, en plus d'entraver le travail des enquêteurs.

Dès l'ouverture de son cabinet en 2013, Jean-Manuel Estrela offrait des prix qui défiaient toute concurrence. En moins de trois ans de pratique, il soutient avoir fait plus de 6000 actes notariés, une quantité phénoménale, puisque habituellement un notaire réalise au mieux quelques centaines d'actes par année. Les affaires du jeune notaire allaient tellement bien qu'il embauchait un nouvel employé tous les 45 jours.

Or, pour réaliser ce travail titanesque, Jean-Manuel Estrela a multiplié les infractions déontologiques. Sa méthode miracle : diviser toutes les étapes de son travail et déléguer les tâches exclusives à sa profession à des employés. Par exemple, son adjointe a utilisé un nombre « extrêmement élevé » de fois sa signature électronique pour authentifier les actes notariés en son absence, un « cas exceptionnel » selon le comité de discipline. Aussi, les clients signaient parfois des documents sans rencontrer M. Estrela, une autre entorse au code déontologique.

Alarmé par la pratique « particulièrement prolifique » du notaire, le syndic de la Chambre des notaires a effectué deux inspections à son endroit en 2014, lesquelles ont mené en février 2016 au dépôt de 25 chefs d'infraction parmi cinq dossiers d'enquête distincts. Un mois plus tard, le conseil de discipline radiait provisoirement Jean-Manuel Estrela.

En juillet dernier, le notaire de 30 ans a plaidé coupable à tous les chefs d'accusation qui pesaient contre lui. Ceux-ci touchent tous les aspects de sa pratique : authenticité des actes, comptabilité, utilisation de fonds à d'autres fins et collaboration avec le syndic. Jean-Manuel Estrela a ainsi été radié de façon permanente pour la centaine d'actes signés sans qu'il soit présent. Il a également écopé d'une série de radiations temporaires allant d'un mois à trois ans, notamment pour avoir modifié le contenu d'actes notariés déjà signés et pour avoir entravé l'enquête du syndic, une infraction « grave et sérieuse ».

« Les infractions reprochées font le portrait d'une pratique qui déconsidère totalement la profession, ainsi que les exigences et le formalisme imposés aux notaires. Plusieurs de ces infractions touchent le coeur de la pratique notariale et démontrent une problématique généralisée dans la pratique de M. Estrela », affirme le conseil de discipline dans une décision rendue le 24 octobre dernier.

Même s'il a plaidé coupable à toutes les infractions, Jean-Manuel Estrela ne semble ni réaliser « véritablement la gravité des infractions », ni regretter les « gestes qu'il a posés », déplore le comité de discipline. « Il tente plutôt de justifier ses actes par son inexpérience et son manque de connaissance. [...] Lors de son témoignage, M. Estrela qualifie les modifications et altérations ainsi que le fait d'avoir publié deux fois les mêmes actes de simples erreurs matérielles. Or, il banalise ainsi le rôle du notaire et déconsidère l'importance de la profession », souligne le comité.