Les récentes affaires d'espionnage de journalistes par les différents corps de police ont mis au jour « un trou béant » dans la protection des sources journalistiques, estime l'ancien premier ministre du Québec Lucien Bouchard.

M. Bouchard, maintenant avocat au cabinet Davies, Ward, Phillips et Vineberg, a été soufflé de constater la facilité avec laquelle les policiers avaient pu obtenir des mandats qui leur permettaient de mettre les téléphones de journalistes sous surveillance.

« On a parlé, par exemple, d'un nombre extraordinairement considérable de mandats renouvelés toujours par la même personne », a-t-il fait valoir en entrevue à La Presse.

M. Bouchard croit d'ailleurs que la future commission d'enquête qui portera sur les pratiques d'espionnage mènera à un encadrement beaucoup plus sévère pour l'obtention de tels mandats. « Si les juges de paix avaient ce pouvoir-là, au terme du mandat de la commission ils vont le perdre, ou il sera sévèrement encadré. On pourrait penser que ça devrait être réservé à des juges de palier supérieur. Chose certaine, le système ne sera plus le même après la commission. »

RELATION TROUBLE

Depuis le début de la semaine dernière, de nombreuses affaires d'espionnage policier de journalistes ont été mises au jour. Le chroniqueur Patrick Lagacé a vu son cellulaire être placé sous surveillance à deux reprises par le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). Les policiers ont même obtenu un mandat d'écoute électronique où son nom et celui du journaliste de La Presse Vincent Larouche étaient mentionnés. Six autres journalistes de Radio-Canada, du Journal de Montréal et de La Presse ont également vu leurs communications surveillées par la Sûreté du Québec.

Ces affaires braquent les projecteurs sur la relation entre la police et le politique, souligne M. Bouchard. « Cette relation, c'est délicat. Très délicat. C'est compliqué. Il faut être très vigilant, dit-il. Le politique nomme les chefs de police, ce qui crée une sorte de lien organique. Après, il faut que la police ait toute l'autonomie. Mais les salaires, les budgets, tout ça, c'est le gouvernement qui accorde ça... »

Pourrait-on de rendre encore plus infranchissable le mur qui sépare les policiers des politiciens ?, s'interroge l'ancien premier ministre. « Les élus doivent demeurer imputables. Ils le sont tous les jours à l'Assemblée nationale, et tous les quatre ans devant la population. Mais est-ce qu'il faut plus de cloisons étanches ? »

Le maire d'une municipalité ne peut pas s'interdire de communiquer avec le chef de police, estime-t-il. « Or, on a vu qu'une simple discussion entre le maire et le chef de police semble déboucher sur une enquête. Mais est-ce qu'il faut interdire au maire de parler au chef de police ? »