Le téléphone a sonné mardi matin chez Anicet Desrochers à Ferme-Neuve, dans les Hautes-Laurentides, le plus important éleveur de reines-abeilles du Canada. Au bout du fil, un employé de Postes Canada annonçait que les colis contenant du matériel vivant n'étaient plus acceptés par le service postal.

« Je croyais que c'était une blague, explique M. Desrochers. On est sur le point d'envoyer 10 000 reines à travers le Québec et dans toutes les provinces. Là, on apprend du jour au lendemain qu'on ne peut plus fonctionner. »

Des apiculteurs de partout au Québec et d'ailleurs au Canada ont commandé des reines-abeilles et ont besoin de les recevoir rapidement. La saison pour l'envoi de reines-abeilles va de la mi-juin à la fin d'août, dit M. Desrochers. Les abeilles vivantes sont minutieusement empaquetées dans des contenants spéciaux afin d'être envoyées par la poste.

« Sans abeilles, pas de pollinisation, et sans pollinisation, pas de nourriture dans nos assiettes, dit M. Desrochers. Surtout qu'on participe au redressement de la population d'abeilles. » 

« Est-ce que la décision de Postes Canada est irréversible ? Est-ce un moyen de pression lié au conflit de travail ? Aucune idée. Pour l'instant, ça nous tombe dessus », déclare Anicet Desrochers. 

La Presse a fait plusieurs demandes d'entrevue à Postes Canada au cours des derniers jours. Le service postal n'a donné suite à aucune d'entre elles.

À la Fédération des apiculteurs du Québec, on disait hier ne pas avoir reçu d'information sur la décision de Postes Canada.

Cette semaine, M. Desrochers et son équipe appellent des apiculteurs de la Montérégie, de la Gaspésie et de Lanaudière pour leur annoncer la mauvaise nouvelle. « Je leur dis qu'ils vont devoir venir chercher les reines-abeilles à Ferme-Neuve. Mais ces gars-là n'ont pas le temps non plus. J'ai 800 reines qui doivent partir dans quatre jours et je ne sais pas comment les envoyer. »

« C'EST UN MANQUE DE RESPECT »

Les services privés de messagerie n'acceptent généralement pas les colis contenant du matériel vivant, note-t-il. « Il y a UPS, mais ils sont à 200 kilomètres d'ici. Air Canada Cargo le fait, mais ils sont à 300 kilomètres. En attendant, on perd du temps et on perd de l'argent. C'est un manque de respect de Postes Canada, tout simplement. »

M. Desrochers possède également une station de fécondation de reines-abeilles à Napa Valley, en Californie. Au printemps, il envoie 20 000 reines-abeilles de la Californie à ses clients à travers le Canada.

Même en temps normal, l'envoi d'abeilles par la poste est délicat, complexe et entraîne des pertes importantes que les éleveurs doivent assumer, dit-il.

« On emballe tout selon les normes, et quand on remet les boîtes à Postes Canada, on se croise les doigts. Il y a toujours des pertes. Je perds des dizaines de milliers de dollars par année en reines qui meurent durant le transport, et ce n'est pas assurable. Je ne peux pas comprendre que le gouvernement ne met pas son poing sur la table et décide de protéger l'industrie des éleveurs de reines. »