Le patron d'Uber a eu droit à un accueil d'une rare froideur, hier, à l'Assemblée nationale. Le ministre des Transports Jacques Daoust, la députée péquiste Martine Ouellet et le député de Québec solidaire Amir Khadir ont refusé de lui serrer la main à la fin de son passage devant la commission parlementaire sur l'industrie du taxi.

« Je vous ai entendu dire à Tout le monde en parle que vous avez effectué 450 000 trajets en janvier. Je ne comprends pas votre logique à vous réjouir d'avoir abusé du système 450 000 fois. En quoi le Québec devrait se réjouir que vous ayez passé à côté du système ? », a demandé le ministre Jacques Daoust au directeur général d'Uber Québec, Jean-Nicolas Guillemette.

M. Guillemette a eu bien peu de temps pour exprimer au ministre sa demande de « corriger le flou » qui existe selon lui dans les réglementations sur le covoiturage et le taxi. « En ce moment, il n'y a pas de réglementation qui encadre les services qu'on veut proposer. Est-ce qu'on peut travailler avec le gouvernement pour créer une réglementation, un décret ou autre ? », a demandé M. Guillemette. 

Soulignant que plus de 1000 voitures UberX ont été saisies depuis le lancement d'UberX au Québec, le ministre Daoust lui a répondu avec une volée de bois vert : « Vous êtes aujourd'hui dans la maison où on fait les lois. Et ce que vous venez nous dire, c'est que tant et aussi longtemps que les lois ne font pas votre affaire, vous ne la respecterez pas. Ça, monsieur, c'est inacceptable », a-t-il tonné.

« Vous n'êtes pas celui qui va nous imposer le modèle. On va vous imposer le modèle. Et si celui qui existe ne vous convient pas, on va en mettre un, auquel vous ne pourrez pas participer, parce que vous vous excluez volontairement. »

M. Daoust a demandé au PDG d'Uber de lui fournir la liste des numéros d'assurance sociale et des revenus versés à l'ensemble de ses chauffeurs. « Je vous le demande formellement », a précisé le ministre.

«Questions difficiles»

À sa sortie du Salon rouge, M. Guillemette, visiblement secoué par l'exercice, a dit qu'il était là « pour répondre aux questions difficiles ».

« On respecte toutes nos obligations fiscales au Québec. Nous donnons tous les outils nécessaires à nos chauffeurs pour qu'ils respectent leurs obligations », a-t-il répété.

Le patron d'Uber se dit par ailleurs « ouvert » à ouvrir ses livres au gouvernement, « mais ça doit se faire dans un processus d'audit formel », a-t-il précisé.

Malgré l'accueil glacial des parlementaires, le directeur d'Uber dit vouloir continuer à travailler avec le gouvernement pour obtenir le changement législatif qu'il réclame depuis 19 mois. « La commission va durer trois semaines. Ça laisse beaucoup de temps pour continuer à travailler avec le gouvernement pour trouver des solutions. »

Quelques pistes

Malgré le passage difficile du patron d'Uber en commission parlementaire, le gouvernement estime que sa technologie demeure « inévitable ». Voici quelques propositions lancées hier.

Alexandre Taillefer propose une taxe de 1,10$L'homme d'affaires Alexandre Taillefer se dit prêt à vivre avec une solution de compromis : imposer à UberX une taxe de 1,10 $ par course, afin compenser la perte de valeur des permis de taxi légitimes. Son entreprise vient de lancer Téo Taxi, un projet-pilote de 50 taxis électriques qui connaît un succès d'estime. « Si aujourd'hui le gouvernement croit que c'est impossible de freiner une application comme Uber, nous sommes d'accord. Mais il faut que ce soit fait avec des règles extrêmement précises, équitables pour tout le monde », dit-il.

Une application unique pour téléphones intelligentsLes taxis de la capitale utilisent tous la même application unique pour téléphone intelligent. Le logiciel, qui permet de commander un taxi et de suivre en temps réel son arrivée sur une carte, a été développé à Québec, par des programmeurs de la région. « C'est l'fun de voir qu'on a une expertise locale et qu'on n'a pas besoin d'une multinationale pour développer ce genre de technologie », a commenté la députée péquiste Martine Ouellet.

Tarifs modulablesL'idée ne fait pas l'unanimité, mais la possibilité de moduler les tarifs de taxi en fonction de l'achalandage fait son chemin. Taxelco, l'entreprise d'Alexandre Taillefer, croit que c'est nécessaire pour attirer plus de chauffeurs sur les routes lors des fêtes comme le jour de l'An. « Autrement, les chauffeurs n'ont aucun moyen d'être payés en temps supplémentaire lors des jours fériés ». Le RTAM est d'accord, mais refuse que le tarif soit arrimé purement à l'offre et à la demande, comme le fait Uber avec son « Price surging ». 

«Sortez Uber à coups de pied dans le cul !»Le Regroupement des travailleurs autonomes Métallos s'oppose carrément à la légalisation du service UberX. Il réclame plutôt la création d'une association professionnelle de chauffeurs de taxi qui réglementerait l'industrie. « Le gouvernement, l'opposition, tout le monde demandent à Uber de cesser ses activités. On demande au gouvernement d'agir maintenant. On prend la population pour des caves. Sortez-les du Québec à coups de pieds dans le cul ! », affirme son porte-parole, Benoit Juguand.

Voitures hybrides obligatoires d'ici 2017Le Regroupement des intermédiaires de taxi de Québec croit que la solution pour plaire à la clientèle est d'obliger les chauffeurs de taxi à avoir des voitures hybrides ou 100 % électriques d'ici 2017. « À Québec, 70 à 80 % des voitures sont déjà des hybrides », dit son porte-parole, Abdallah Homsy.