La prochaine phase de la participation du Canada aux efforts de la communauté internationale pour combattre le groupe armé État islamique sera dévoilée dans quelques jours et comprendra de l'aide financière additionnelle, a déclaré la ministre canadienne du Développement international, jeudi.

C'est l'argument fourni par Marie-Claude Bibeau afin d'expliquer pourquoi le gouvernement libéral ne s'est pas engagé à verser davantage d'argent lors d'une rencontre tenue à Londres, jeudi, durant laquelle des donateurs internationaux ont promis 10 milliards $ US d'ici 2020 pour aider les victimes de la guerre civile syrienne.

En conférence téléphonique, Mme Bibeau a précisé que le plan serait bientôt annoncé au Canada en présence du premier ministre Justin Trudeau, du ministre des Affaires étrangères, Stéphane Dion, et du ministre de la Défense, Harjit Sajjan.

Elle a ajouté que le Canada continuerait de figurer parmi les donateurs les plus importants en matière d'aide humanitaire et augmenterait ses contributions pour les «projets de développement et de résilience».

La ministre a indiqué que le gouvernement libéral tenait à adopter une approche globale réunissant les volets militaire, diplomatique et humanitaire.

Le Canada avait opté pour une méthode similaire durant la guerre en Afghanistan.

Une évaluation du programme d'aide canadien de 2 milliards $ effectuée plus tard par l'ancienne Agence canadienne de développement internationale avait cependant conclu que la politisation et la militarisation de l'aide humanitaire avaient, entre autres problèmes, limité le nombre d'endroits où les organismes pouvaient travailler.

L'accès des organismes humanitaires aux gens en détresse est l'un des principaux défis à relever en Syrie actuellement.

«Nous avons tiré des leçons de nos expériences passées», a assuré Marie-Claude Bibeau, refusant toutefois d'en dire davantage sur cette question avant l'annonce officielle.

Jusqu'à présent, le Canada s'est engagé à donner 650 millions $ en aide humanitaire pour les personnes touchées par le conflit syrien et 233 millions $ pour le développement à long terme.

Nicolas Moyer, directeur général de la Coalition humanitaire, qui regroupe cinq organismes canadiens, s'est dit persuadé que le gouvernement libéral allait en faire encore plus pour les Syriens.

Il a cependant soutenu que c'était maintenant au tour des Canadiens de faire leur part.

«La réalité est que nous ne sommes pas capable d'amasser autant de fonds (...) pour la crise syrienne que nous ne le voudrions, a-t-il admis. Les besoins dépassent largement les dons, l'accès aux ressources que nous avons de toutes les sources.»

L'automne dernier, au moment où la crise des réfugiés syriens dominait les manchettes, l'ancien gouvernement conservateur s'était engagé à égaler les dons privés à hauteur de 100 millions $. Le programme devait prendre fin en décembre, mais les libéraux l'ont prolongé jusqu'à la fin de février.

La prolongation ne s'est cependant pas traduite par une arrivée massive de dons, a affirmé M. Moyer. Plusieurs facteurs sont en jeu, a-t-il estimé, incluant la nature du conflit, la réponse à la crise à l'échelle locale et le travail des organismes humanitaires.

«Les organisations humanitaires au Canada ont sollicité leurs donateurs et ceux-ci ont fortement répondu, mais après cinq ans à en demander plus, il n'est pas surprenant qu'il y ait, à travers le pays, une certaine apathie envers ce sujet, a-t-il expliqué. Nous devons collaborer encore plus étroitement pour trouver des moyens de convaincre le public de s'impliquer de différentes façons.»

Plus de 10 milliards octroyés

Plus de dix milliards de dollars ont été promis jeudi lors de la conférence de donateurs à Londres pour aider les millions de Syriens épuisés par la guerre et tenter d'endiguer la crise des réfugiés qui menace de déstabiliser les pays d'accueil.

Les pays donateurs ont donc atteint leur objectif: faire mieux que lors de la précédente conférence, organisée en 2015 au Koweït, où seulement 3,3 milliards de dollars avaient été récoltés sur les 8,4 milliards réclamés.

Sur les 10 milliards promis, 5,6 milliards de dollars doivent être versés en 2016 et 5,1 d'ici 2020.

«La conférence d'aujourd'hui a vu la plus grosse somme jamais réunie en un jour en réponse à une crise humanitaire», s'est félicité le Premier ministre britannique David Cameron lors d'une conférence de presse.

«Ce qui a été accompli aujourd'hui n'est pas une solution à la crise. Nous avons toujours besoin de voir une transition politique», a dit le chef de l'exécutif britannique, alors que les pourparlers de paix lancés à Genève ont été suspendus mercredi.

«Mais avec les engagements formulés aujourd'hui, a-t-il ajouté, notre message adressé au peuple syrien et à la région est clair: nous nous tiendrons à vos côtés et nous vous soutiendrons aussi longtemps qu'il le faudra».

Réunis au Queen Elizabeth II Conference Centre en plein coeur de la capitale britannique, des dirigeants du monde entier avaient présenté tout au long de la journée leurs promesses de dons pour répondre au drame syrien, alors que, selon l'ONU, la situation humanitaire «a empiré au cours de l'année écoulée».

Soucieux de montrer l'exemple, le gouvernement britannique, l'un des plus gros donateurs avec les Etats-Unis et l'Allemagne, a promis 1,74 milliard de dollars d'ici 2020.

«Jour d'espoir»

La chancelière allemande Angela Merkel a promis elle de débloquer 2,3 milliards d'euros d'ici 2018.

Ces dons sont «l'un des éléments qui contribueront à faire que les gens n'auront pas besoin de se lancer dans de périlleux voyages vers l'Europe», a dit celle dont la popularité s'est érodée dans son pays pour avoir endossé l'habit de protectrice des réfugiés. «C'est un jour d'espoir», a-t-elle ajouté.

«Quand on voit des personnes réduites à manger de l'herbe et des animaux sauvages pour survivre au jour le jour, cela ne peut que choquer toute personne civilisée. Et nous devons tous apporter une réponse à cela», a déclaré le secrétaire d'Etat américain Kerry, annonçant 890 millions de dollars supplémentaires (pour 2015-2016).

Pour le vice-Premier ministre jordanien, Nasser Judeh, le «résultat est historique en termes de dons. Mais c'est aussi une conférence politique par excellence car elle investit dans la sécurité et la stabilité de nombreux pays».

Parti en mars 2011 de manifestations pacifiques contre le régime de Bachar al-Assad, le conflit syrien a fait plus de 260.000 morts et provoqué une crise humanitaire majeure avec, sur le territoire syrien, quelque 13,5 millions de personnes en situation de vulnérabilité ou déplacées.

Cette guerre a également contraint 4,6 millions de Syriens à trouver refuge en Jordanie, Liban, Turquie, Irak ou Egypte, tandis que des centaines de milliers rejoignaient l'Europe.

Si cette crise pèse sur les gouvernements des pays européens, elle menace directement la stabilité des pays voisins de la Syrie, à l'instar de la Jordanie, qui accueille 635.000 Syriens.

«Nous faisons de notre mieux (...) mais je dois vous dire que nous atteignons nos limites», a déclaré le roi Abdallah de Jordanie.

1,1 million d'emplois

Les investissements annoncés jeudi doivent permettre de créer d'ici 2018 jusqu'à 1,1 million d'emplois pour les réfugiés syriens et les communautés autochtones qui les côtoient, selon la déclaration finale de la conférence.

Les pays donateurs se sont également donnés pour objectif de fournir une éducation de qualité à 1,7 million d'enfants.

Régissant aux annonces de la conférence, l'organisation Oxfam a estimé qu'il s'agissait «potentiellement d'un tournant».

L'argent n'est pas tout, a toutefois souligné l'ONG. «Les gouvernements présents à Londres ne sauraient se reposer sur leurs lauriers quand les négociations à Genève vacillent et que la violence continue».

Le Syrien Fadi Hallisso, co-fondateur de l'association «Basmeh & Zeitooneh», qui oeuvre à aider les réfugiés au Liban et en Turquie, a estimé «qu'avec ces promesses, nous espérons maintenant pouvoir créer davantage d'emplois pour les réfugiés et les communautés d'accueil».

«Cela aura un meilleur impact sur les efforts menés pour riposter au terrorisme et à la radicalisation dans la région» que les bombardements, a-t-il ajouté.

- Avec AFP