«Quand j'ai su que ma mère était morte, on ne m'a pas dit tout de suite comment. J'imagine que c'était pour me protéger.»

Près de 40 ans après la mort de sa mère, Raymonde Chopin, le candidat à la direction du Parti québécois et député de Saint-Jérôme, Pierre Karl Péladeau, a accepté de revenir un peu plus en détail sur le suicide de sa mère, afin de sensibiliser la population à ce sujet trop souvent tabou.

Il y a huit jours, alors que la Semaine de la prévention du suicide débutait, PKP s'est assis avec sa conjointe, Julie Snyder, et s'est demandé ce qu'il pouvait faire pour aider la cause. «On a convenu qu'il serait approprié que j'en parle. Pour me rendre utile», commente-t-il.

Il a publié un témoignage sur sa page Facebook. Il a été depuis inondé de réactions. Hier après-midi, près de 550 personnes avaient commenté la publication. «Je suis surpris par l'étendue de la problématique», a déclaré PKP, hier matin, sur les ondes de Paul Arcand.

Lourde dépression

En 1976, Pierre Karl Péladeau avait 14 ans quand sa mère s'est donné la mort. L'homme se souvient de sa mère comme d'une femme «aux nombreux talents», qui chantait et qui était «très belle». Elle souffrait également de dépression majeure.

Sans pouvoir expliquer ce qui l'a menée à faire ce geste, PKP estime que les évènements se sont produits à une époque «où on n'avait pas rendu la reconnaissance appropriée aux femmes». «Ma mère ne s'appelait pas Raymonde Chopin. Elle s'appelait Mme Pierre Péladeau.»

L'homme d'affaires, fondateur du groupe Québecor, était également très souvent absent. «C'était un environnement pas facile à vivre pour ma mère», précise-t-il.

Alors que Pierre Karl est encore enfant, Raymonde Chopin est hospitalisée à l'Institut Albert-Prévost à Montréal. À l'époque, Pierre Karl Péladeau vivait dans sa famille d'accueil des Laframboise, à Cartierville.

«J'allais voir ma mère à l'hôpital», dit-il. Il se rappelle que ses visites étaient "impressionnantes", avec tous ces patients souffrant de différentes pathologies qui y gravitaient. «Ce n'était pas facile à intégrer dans ma vie émotive», note-t-il.

Puis, Raymonde Chopin a été hospitalisée dans une clinique en Suisse. «On correspondait quand même. Je suis aussi allé la voir une fois», se rappelle-t-il. C'est là qu'elle a mis fin à ses jours, en 1976. Elle avait 47 ans. «Ce geste irréversible, c'était la finalité d'une période très difficile qu'elle avait vécue», relate Pierre Karl Péladeau.

L'impact sur la famille Péladeau a été important. «Certains en ont porté des traces indélébiles, note PKP. J'ai eu la chance d'être accueilli dans une famille aux valeurs familiales fortes et d'ainsi vivre cet événement avec plus de sérénité, peut-être, que mes autres frères et soeurs.»

À quel point le décès de sa mère a-t-il influencé sa vie? Pierre Karl Péladeau l'ignore: «J'ai eu une période rebelle dans ma jeunesse. Était-elle liée à ça? Je ne sais pas.»

Il estime toutefois que ces tristes évènements ont certainement influé sur sa façon d'être père. «Je veux être présent pour mes enfants et ma famille, dit-il. Ce n'est pas facile d'avoir un équilibre en cette matière, mais je veux le faire.»

A-t-il ressenti de la honte ou de la colère à la suite du décès de sa mère? «Peut-être inconsciemment», dit-il.

Penser prévention

Pierre Karl Péladeau reconnaît avoir songé au suicide au cours de sa vie. Il affirme que les raisons qui l'ont poussé à ne pas commettre l'irréparable sont trop personnelles pour qu'il les partage. Mais pour lui, il est clair que le Québec doit faire tout en son pouvoir pour investir dans la prévention du suicide.

«La difficulté, c'est que ce mal de vivre n'est pas facilement perceptible. [...] Si les citoyens sont davantage conscients de cette problématique sociale, c'est une bonne chose.»

Sans vouloir faire de politique sur le sujet, M. Péladeau martèle que Québec doit mettre en valeur la prévention en santé.

«La médecine n'est pas seulement curative. Elle peut être préventive, dit-il. La meilleure thérapie pour ces gens qui ont un cancer de l'âme [...] c'est de mettre en valeur la prévention. Avec la prévention, on peut combattre. Et pour combattre, il faut en parler.»

Un rôle dans la prévention

Directeur de la Semaine de la prévention du suicide qui s'est terminée samedi dernier, Jérôme Gaudreault estime qu'il est «très important» que des personnalités publiques parlent du suicide.

«C'est un sujet lourd, triste, malaisant. Les gens hésitent parfois à en parler. Mais il faut le faire», affirme-t-il.

M. Gaudreault précise qu'il ne faut pas parler du suicide de façon sensationnaliste. «Quand on raconte que telle vedette s'est suicidée, certaines personnes vont se dire: «Si cette personne qui a tout pour elle n'a pas été capable de surmonter sa souffrance, comment moi, je vais y arriver?» Et là, ça devient dangereux. Mais quand des gens viennent raconter comment le suicide a affecté leur vie, là, ça joue un rôle important de prévention. Des sorties comme celle de Pierre Karl Péladeau, ça joue leur rôle de prévention.»