Les employés d'Air Canada ne sont pas dans le même bateau - ou le même avion - que les autres travailleurs québécois.

Au Québec, nul ne peut exiger que la vérification ou la confirmation d'une identité soit faite au moyen de caractéristiques biométriques sans le consentement de la personne. La loi québécoise prévoit aussi que la création d'une banque de caractéristiques ou de mesures biométriques doit être préalablement divulguée à la Commission d'accès à l'information.

Or, Air Canada est une entreprise dont les activités relèvent de la compétence fédérale, tout comme les banques ou les entreprises de télécommunications.

«La tendance majoritaire devant les tribunaux veut que les lois québécoises qui affectent directement les conditions de travail des employés d'entreprises fédérales ne leur soient pas applicables. Toutefois, un arrêt rendu en 2007 par la Cour suprême du Canada ouvre possiblement de nouvelles perspectives», explique Christian Brunelle, professeur titulaire en droit du travail et droits et libertés de la personne à l'Université Laval.

Le spécialiste cite l'arrêt Banque canadienne de l'Ouest contre le gouvernement de l'Alberta, qui a statué que les banques fédérales sont assujetties aux règlementations provinciales en matière de promotion des assurances.

«Aussi, dans une affaire relativement récente, un arbitre de grief a conclu qu'UPS, une entreprise de transport interprovincial, qui relève donc de la compétence fédérale, n'était pas soustraite à l'application de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec», ajoute-t-il.

De son côté, la Commission d'accès à l'information, le chien de garde de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information, affirme qu'elle ne dispose pas d'informations suffisantes pour trancher si elle a compétence ou non dans le dossier d'Air Canada. «On ne peut ni nier ni confirmer qu'on a compétence, a déclaré Isabelle Saint-Pierre. On ne peut pas le déterminer tant qu'on n'a pas le dossier en main.»

Faute d'enquêteurs, la Commission d'accès à l'information n'examinera pas le dossier à moins de recevoir une plainte. «On a d'autres priorités et amplement de dossiers qui nous sont soumis», a-t-elle déclaré.

Dans deux récentes décisions, qui sont toutefois en appel, la Commission d'accès à l'information a jugé qu'elle avait compétence pour se prononcer dans deux dossiers de téléphonie cellulaire. Ces dernières avaient demandé de recueillir le numéro d'assurance sociale ou le numéro de permis de conduire de clients à l'ouverture de leurs comptes.

Dans les deux cas, les juges administratifs ont tranché que la Commission avait compétence pour enquêter sur l'application de la Loi sur le privé, en plus d'ordonner aux entreprises de recueillir et de conserver ces informations.

Emilie Mouchard, chercheuse à l'Université de Montréal et spécialiste des questions de vie privée, explique quant à elle qu'un employeur qui collecte des données biométriques doit montrer qu'il a un besoin raisonnable et défendable de le faire. «L'avantage est que l'employeur doit justifier l'atteinte à la vie privée, souligne-t-elle. Dans ce cas, si c'est juste pour contrôler les allées et venues, alors qu'il pourrait y avoir d'autres moyens tout aussi efficaces mis en place, ça me semble un peu léger.»