La mère de la loi qui permettra de «mourir dans la dignité», Véronique Hivon, croit que les Québécois ne doivent pas arrêter de réfléchir à ces questions et qu'un débat plus large sur le suicide assisté doit être lancé.

«Assurément que c'est une réflexion qui doit aussi avoir lieu, a indiqué la députée péquiste en entrevue avec La Presse, juste après avoir lu le jugement concernant Pierre Mayence. Est-ce que c'est un débat important? Je vais vous dire que oui.»

Le projet de loi finalement adopté en juin dernier était limité dans sa portée, a rappelé Mme Hivon. Il n'était pas question des individus qui pourraient survivre des années avec leur handicap, comme M. Mayence, sauf pour clarifier que tout patient a le droit de refuser tout traitement.

Souffrances «exceptionnelles»

Avec l'entrée en vigueur de la loi, dans un an, l'option de «mourir dans la dignité» sera offerte aux patients en fin de vie atteints d'une maladie incurable qui engendre des souffrances «exceptionnelles».

Pour le reste, «c'est certainement un autre débat et il dépassait notre mandat, soit les personnes malades en fin de vie. C'est important de le concevoir, a-t-elle souligné. On a franchi une étape majeure avec le projet de loi qui a été adopté. C'est le consensus auquel on a pu arriver dans le contexte dans lequel nous étions et avec les compétences [constitutionnelles] qui sont les nôtres.»

Car si les soins de santé sont de compétence provinciale, le Code criminel relève du gouvernement fédéral. Un comité d'experts-juristes qui s'était penché sur ces questions pendant le débat «mourir dans la dignité» avait d'ailleurs averti les parlementaires quant aux possibles conflits de compétence entre Québec et Ottawa.

«On parle de personnes qui sont malades et en fin de vie, compte tenu que notre compétence, elle est en santé, a réitéré la députée. Si on parle d'une personne qui a un handicap, mais qui n'est pas malade - qui n'est pas en fin de vie -, ce n'est pas un cas qui est compris. [...] Toute l'approche qui a été développée, c'est celle-là.»

Des réactions aux choix de Pierre Mayence

La loi que nous, on voulait, c'était la même loi qu'en Hollande et en Belgique, où pour des cas comme ça - ils ne sont pas nombreux -, c'est possible. Le projet de loi privé du député conservateur fédéral Stephen Fletcher toucherait des cas comme ça. On ne parle pas de maladie, on parle de condition médicale incurable. Et ça comprend les traumatismes. [...] Mais pour des raisons d'acceptabilité sociale et peut-être politiques, [ça ne s'est pas fait ainsi]. Mme Hivon était l'auteure du projet de loi, mais elle devait quand même le passer.»

Hélène Bolduc, Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité

Ce n'est pas de l'euthanasie quand on parle de ces cas-là. [...] Une personne a déjà le droit de refuser un traitement, de refuser de s'alimenter. C'était déjà dans le Code civil même avant la loi 52, ça fait longtemps. C'est le droit de l'individu. Ce qui [... ] me préoccupe, c'est de donner une injection létale à un individu.»

Paul Saba, leader des opposants au projet de loi Mourir dans la dignité

On est vraiment dans une zone limite, et un monsieur comme ça, il doit y avoir une équipe qui l'entoure: un travailleur social, un psychologue, un psychiatre pour voir si la personne refuse réellement les traitements de façon libre et éclairée. Et si on voit qu'il devient de plus en plus mourant, est-ce qu'on le laisse comme ça? Au nom de quoi? Moi, je préfère toujours le moindre mal, soit d'être aidé dans certaines circonstances.»

Yvon Bureau, Collectif mourir digne et libre