Le ressac des scandales de collusion, de corruption et de financement occulte continue de frapper de plein fouet les firmes de génie-conseil. L'Association des ingénieurs-conseils du Québec (AICQ) observe une baisse de 20% des effectifs par rapport à l'année dernière.

Un employé sur cinq des firmes de génie-conseil a donc été licencié ou a quitté son poste au cours de la dernière année. Ces chiffres proviennent d'un sondage réalisé par l'AICQ auprès de ses membres, dont le quart est constitué de grandes firmes comme Cima+, SNC-Lavalin, Dessau ou Tecsult, représentant 89% de tous les effectifs.

«C'est énorme. C'est une diminution qui vient après celle qu'on avait déjà constatée l'an dernier. [...] Je ne sais pas comment ça va finir», reconnaît Johanne Desrochers, PDG de l'AICQ. Inquiète, Mme Desrochers a entrepris des démarches auprès du gouvernement du Québec afin de promouvoir la mise en place d'une table ronde ou de tout autre forum de discussion pour «trouver ensemble une solution à la crise actuelle».

Mme Desrochers parle même de la «paralysie» de l'industrie du génie-conseil, qui génère un chiffre d'affaires de plus de 5 milliards de dollars annuellement. Elle estime qu'il pourrait être difficile de la reconstruire s'il n'y a pas de geste rapide. «Il faut prendre du recul et se demander si les corrections amorcées qui relèvent de la saine gestion, si le cumul de toutes les nouvelles règles adoptées nous protègent vraiment. Est-ce que ça nous empêche de faire des projets? Est-ce que ça nous assure de plus ou de moins de concurrence?», lance Johanne Desrochers.

Contrats publics au ralenti

Dans l'immédiat, cette dernière ne voit pas le bout du tunnel. Selon elle, les irrégularités soulevées dans l'industrie de la construction et le travail de dissection fait par la commission Charbonneau ont des conséquences négatives sur le génie-conseil. Des sièges sociaux, dont celui de la firme Dessau, sont convoités, les firmes québécoises sont contournées dans l'important dossier du remplacement du pont Champlain à cause de leur image et des projets d'infrastructures sont stoppés.

«On est dans une année où plusieurs projets ont été retardés au niveau provincial après ceux du milieu municipal, constate Mme Desrochers. Des mises à pied dans les municipalités, on en voit depuis trois ans. S'est ajouté le ralentissement des investissements provinciaux. Il y a aussi tout le secteur industriel, avec les mines et les métaux, où c'est aussi très lent parce que le Plan Nord est suspendu.»

D'autres impacts pourraient aussi se faire sentir du côté des entreprises de construction si les tables à dessin du génie-conseil restent vides. Selon Statistique Canada, les contrats des administrations publiques représentaient, en 2011, 26% des revenus d'exploitation des firmes de génie au Québec.

Responsabilité partagée

Le plaidoyer de Mme Desrochers ne doit toutefois pas être perçu comme un déni de la part des firmes qui reconnaissent leur responsabilité dans la situation qui a cours, souligne la PDG de l'AICQ. Mme Desrochers souligne d'ailleurs que des dirigeants ont collaboré à l'enquête publique de la commission Charbonneau. De plus, les firmes ont pris les moyens pour «rompre les liens avec certaines pratiques inacceptables».

Mais du même souffle, elle souligne que le gouvernement joue du bâton «sans jamais s'inclure» dans l'origine de la crise. «On ne peut pas continuer à faire de la politique là-dessus», dit-elle, avant d'ajouter: «S'il y a eu de l'argent donné, c'est parce qu'il y a de l'argent reçu. Les prête-noms, ça servait à qui? Pas à monsieur Tout-le-Monde. Ça servait aux politiciens.»

La semaine dernière, l'AICQ a modifié son inscription au registre des lobbyistes afin d'y inclure le mandat de convaincre le gouvernement de constituer un forum d'échanges.