La Résidence des Boulevards-campus St-Joseph, qui accueillait plus de 136 aînés à Montréal, a brusquement fermé ses portes le 5 juillet, ne donnant qu'un mois d'avis à ses locataires. Un geste illégal, mais impuni par l'Agence de la santé et des services sociaux de Montréal. Cette dernière, loin de s'en formaliser, achète toujours 44 lits dans une autre résidence détenue par le même propriétaire - et qui n'est pas certifiée. Une situation qui fait bondir les associations de protection des aînés, qui accusent le gouvernement de ne pas appliquer sa propre loi.

Au début du mois de juin, les locataires des 136 logements de la Résidence des Boulevards, située sur le boulevard Saint-Joseph à Montréal, apprenaient que l'endroit fermerait ses portes le 5 juillet. La loi prévoit pourtant qu'un préavis de six mois doit être donné aux habitants d'une résidence privée pour aînés.

Dans une lettre envoyée aux résidants, l'Agence a reconnu que l'acte était illégal, mais aucune mesure n'a été prise contre le propriétaire. L'Agence a simplement invité les résidants à «porter plainte à la Régie du logement».

«Il s'agit d'une décision d'affaires», se contente aujourd'hui de dire l'Agence, qui affirme avoir «accompagné les résidants dans leur relocalisation».

Le président de l'Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées (AQDR), Louis Plamondon, estime que l'Agence manque à son devoir en ne faisant pas appliquer la loi. «Jamais les résidences privées pour aînés fautives ne sont mises en demeure. On laisse le fardeau des illégalités sur le dos des résidants vulnérables, qu'on renvoie toujours à la Régie du logement. C'est ridicule», dit-il.

Luc Bastien, vice-président de la région de Montréal de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS), déplore aussi le fait que la loi puisse être si facilement contournée. «On met des règlements en place, mais on ne les applique pas. Et c'est toujours les résidants âgés qui écopent», dénonce-t-il.

Le propriétaire de la Résidence des Boulevards, Ghislain Boulay, explique que le gouvernement achetait 38 lits dans sa résidence depuis des années. «On nous a annoncé qu'on perdrait ces lits. Ça représentait un manque à gagner de 1,5 million. On a dû fermer sans laisser traîner les choses», précise-t-il.

Des contrats malgré tout

Même si l'Agence de Montréal reconnaît qu'il y a eu méfait à la Résidence des Boulevards-campus St-Joseph, elle n'hésite pas à accorder un contrat de 44 lits en ressources intermédiaires à sa résidence soeur.

Ainsi, la Résidence des Boulevards-campus Rachel accueille 44 personnes en perte d'autonomie moyenne, et ce, même si elle n'est pas certifiée.

La directrice générale de la Résidence des Boulevards, Christiane St-Pierre, a sursauté quand La Presse lui a appris que sa certification était échue et que l'établissement était «passible de recours judiciaires», selon le registre des résidences privées pour aînés du Québec. «On a été certifiés pendant trois ans avant que la loi ne change en mars. Depuis, on a signifié notre intention de se certifier à l'Agence. On attend maintenant après eux. Notre statut laisse croire qu'on ne veut pas se conformer, mais ce n'est pas vrai du tout», assure-t-elle.

Mais pour M. Plamondon, il est «inconcevable que l'Agence accepte de placer des aînés en perte d'autonomie dans un établissement qui ne répond pas aux normes». «Ça ne fonctionne pas du tout», dénonce-t-il.