Chaque semaine, Nathalie Collard rencontre une personnalité qui s'est retrouvée au premier plan médiatique et lui pose 10 questions en lien avec la couverture dont elle a été l'objet. La 11e question provient du public. Cette semaine, notre journaliste s'entretient avec Sylvie Roy, députée de l'Action démocratique du Québec dans la circonscription de Lotbinière et leader parlementaire du deuxième groupe d'opposition. Mme Roy est la première à avoir réclamé une commission d'enquête publique sur l'industrie de la construction.

1. Vous avez été la première à réclamer une commission d'enquête publique. Êtes-vous satisfaite?

Je suis satisfaite de l'adhésion et de l'appui de la population à une enquête publique. Par contre, je ne suis pas satisfaite de ce que le premier ministre Charest a annoncé cette semaine. Ce n'est pas une enquête publique, c'est une consultation. J'ai repassé toutes les commissions des dernières années, de la Gaspesia à la commission Johnson, et chacune d'entre elles respectait la Loi sur les commissions d'enquête. Les deux seules qui ne l'étaient pas sont la commission Bouchard-Taylor, qui était une consultation, et la commission Nicolet, de nature plus technique.

2. Les gens ont l'impression que peu importe le geste qu'aurait fait le gouvernement, c'est le jeu de l'opposition de ne pas être d'accord. Que leur répondez-vous?

Si le premier ministre Charest avait annoncé la tenue d'une commission d'enquête normale, on n'aurait rien eu à dire.

3.Avez-vous eu des moments de lassitude au cours des dernières années, le sentiment de toujours taper sur le même clou?

Je viens d'une famille d'enseignants et j'ai décidé de ne pas le devenir. Le métier ne m'attirait pas parce qu'il faut toujours répéter. Je pense que j'ai mal choisi (rires). Il y a exactement 930 jours, j'ai réclamé la tenue d'une commission d'enquête et je l'ai répété plus d'une fois. Je trouve que c'est une question importante et je crois qu'il faut continuer à en parler, d'autant plus qu'avec la rénovation de nos infrastructures et l'arrivée du Plan Nord, nous nous apprêtons à investir des milliards de dollars. Mais il est certain que j'aimerais parler d'autres sujets comme l'éducation, par exemple.

4. Avez-vous déjà reçu des menaces ou des demandes expresses qui vous pressaient de changer de sujet?

Je n'ai reçu aucune menace extérieure, mais le Parti libéral a essayé de me faire expulser parce qu'il n'avait pas aimé une de mes questions. Une requête à laquelle le président de l'Assemblée nationale de l'époque, Yvon Vallières, n'a pas donné suite.

5. Est-ce que vous avez l'impression que ce dossier vous a permis d'acquérir de l'expérience à titre de parlementaire? Êtes-vous la même politicienne qu'il y a deux ans?

C'est un métier comme un autre et il est certain qu'on acquiert de l'expérience avec le temps. À force de faire avancer des dossiers, de faire de la recherche, d'étudier des décrets, j'ai acquis une maîtrise de certains dossiers et les journalistes m'appellent de plus en plus pour me poser des questions. J'étais avocate avant de me lancer en politique et je pense que ce que nous avons été avant colore la façon de mener nos dossiers. Moi, je travaille en avocate.

6. Considérez-vous que le dossier de la corruption et de la collusion a permis de vous faire connaître auprès de la population québécoise?

Oui, j'étais connue localement, mais là, on me reconnaît à Québec, les gens m'abordent et parfois ils sont tellement familiers qu'il m'arrive de me demander si je les connais. Je reçois également beaucoup de courriels d'encouragement, des gens qui me disent: «Continuez, ne lâchez pas.»

7. Vous voyez-vous comme chef de parti?

Non. On m'a déjà demandé de prendre la tête de l'ADQ et je n'en ai pas envie. J'ai deux enfants, un garçon de 13 ans et une fille de 7 ans, et ils n'auront pas cet âge-là deux fois. Être chef de parti, c'est exigeant et ça demande beaucoup de temps.

8. Si l'ADQ disparaissait, vous joindriez-vous à l'éventuel parti de François Legault?

Non, et je ne me pose pas cette question-là. En fait, je suis ainsi faite que je ne me pose pas les questions que je n'ai pas besoin de me poser. C'est comme la météo: pourquoi me demander s'il va pleuvoir alors que je n'ai aucun pouvoir sur ça? S'il pleut, je n'y peux rien. Les choses sur lesquelles je n'ai pas de prise, je n'y pense pas. Et lorsque j'arrive chez moi, j'oublie tous mes dossiers à un point tel que si quelqu'un me posait une question, je ne m'en souviendrais pas. Dans une activité politique, si je rencontre un électeur qui me dit quelque chose d'important, je vais me laisser un message sur la boîte vocale pour m'en souvenir. Il y a comme un mur coupe-feu entre ma vie personnelle et ma vie professionnelle.

9. Vous avez déjà été l'objet d'insultes de la part de membres d'autres partis. Comment vivez-vous cela? Croyez-vous que le fait d'être une femme y est pour quelque chose?

Pas à quelques reprises, mais hebdomadairement. Premièrement, parce que je fais bien mon travail, deuxièmement, pour me déstabiliser. Mais j'ai comme un globe de verre qui me protège, je n'écoute pas, je regarde en avant et je continue.

C'est plus dur pour les enfants, pour ma mère et pour l'entourage. Je comprends ma mère, car si on parlait comme ça de ma fille, même si je connais les règles du jeu, je trouverais ça dur. Je n'ai jamais pensé que c'était différent parce que j'étais une femme, mais disons que c'est encore plus disgracieux quand un homme parle ainsi à une femme. Gérald Godin parlait du «salon de la race» pour décrire le Salon bleu, il disait que c'était le lieu d'échanges nobles. On ne peut pas dire que c'est le cas ces temps-ci.

10. Allez-vous témoigner à la commission Charbonneau?

Non, je n'ai rien à dire, tout ce que je sais, ce sont des ouï-dire, et si je savais quelque chose, j'aurais déjà parlé à la police.

Q+1 Nathaly Dufour @Nathaly_Dufour sur Twitter Ex-avocate, auteure, à l'origine d'une pétition pour la tenue d'une commission d'enquête publique sur la corruption et la collusion. Vous avez dit en entrevue qu'une pétition ne sert à rien. N'est-ce pas contradictoire de la part d'une parlementaire?

Je n'ai pas dit que ça ne servait à rien, mais que cela n'avait pas d'effet juridique ou contraignant. Une pétition, c'est l'expression de la volonté populaire et ça peut avoir un effet quand le premier ministre est à l'écoute. Au Québec, il ne l'est pas.