Italo Bollini fondait peu d'espoirs de revoir son fils vivant, hier midi. «Dans la mine, l'eau est frette», disait-il.

En soirée, les appréhensions du père, aussi mineur de métier, se sont confirmées. Le corps de son fils a été retrouvé dans les eaux souterraines de la mine d'or du lac Bachelor, dans le secteur Desmarais, entre Lebel-sur-Quévillon et Chibougamau.

Le corps de Dominico Bollini a été le premier repêché, en début d'après-midi. Le pompage des niveaux 11 et 12 de la mine s'est poursuivi, puis on a trouvé le corps de Bruno Goulet.

Au moment de mettre sous presse, les sauveteurs s'attendaient à trouver sous peu le troisième mineur disparu à 1500 pieds sous terre, Marc Guay. «Il n'y a pas d'indice qui nous laisse croire qu'on va le retrouver vivant», a dit Pierre Bernaquez, le surintendant aux ressources humaines de Ressources Metanor, propriétaire de la mine.

Italo Bollini, le père de Dominico Bollini, vit à Dolbeau-Mistassini. Il a l'intention de se rendre à Desmaraisville tôt ce matin, a-t-il dit à La Presse. Il veut savoir ce qui s'est passé. «Quelqu'un dit ci, quelqu'un dit ça. Je veux avoir l'heure juste.»

Les trois mineurs ont disparu dans la nuit de vendredi à samedi alors qu'un ascenseur les menait aux profondeurs des 11e et 12e niveaux de la mine. «Ce sont des employés très spécialisés pour la restauration et la réhabilitation des puits de mines fermés depuis quelques années, précise M. Bernaquez. Quand ils sont arrivés au 11e niveau, ils ont frappé de l'eau. Il y a eu un choc et l'eau a pénétré dans la cage.»

Sans nouvelles de ses collègues, un quatrième mineur a fait remonter l'ascenseur pour constater avec effroi qu'il était vide. «Ce qui nous donnait de l'espoir, c'est que le haut de la cage était ouvert», explique M. Bernaquez. Ressources Metanor espérait que les mineurs étaient parvenus à s'échapper par le haut de la cabine.

En attendant le résultat des autopsies, la question est maintenant de savoir pourquoi les niveaux 11 et 12 de la mine ont été inondés. «Il y a trois semaines ou un mois, on avait reçu la visite des enquêteurs de la CSST pour vérifier toute la conformité de nos équipements, et tout était là. Qu'est-ce qui s'est passé? C'est l'enquête qui va nous le dire», dit M. Bernaquez.

La Sûreté du Québec et la CSST ont dépêché des agents à Desmaraisville dès samedi matin. «Nous avons deux inspecteurs sur place, explique Pierre Turgeon, porte-parole de la CSST. Ils soutiennent les équipes de sauvetage et l'employeur. Et comme il y a mort, il y aura une enquête qui durera de quatre à six mois.»

Encore hier, une affiche soulignant «906 jours sans accident» était fièrement accrochée devant la mine. «Nous mettons beaucoup l'accent sur la sécurité. Cela nous a scié les jambes d'avoir un accident aussi grave, se désole Pierre Bernaquez. Cela a démoli un peu tout le monde.»

Un métier dangereux

De 2004 à 2007, 17 mineurs québécois sont morts au travail, dont cinq dans une mine d'or. Durant la même période, il y a eu également 4000 accidents avec blessés, donc 400 dans des mines d'or.

La mine d'or du secteur Desmaraisville est rouverte depuis deux ans et demi. Desmaraisville n'est pas un village. C'est essentiellement un bar et un dépanneur situés au milieu de terrains rasés par les coupes forestières, au bord de la route 113. Une douzaine de personnes y résident à l'année, mais elles accueillent des dizaines de travailleurs qui vivent dans des camps.

«Ce sont les mines qui ont fait décoller Desmaraisville. On le sait, ici, que le métier de mineur est dangereux», indique Nancy Beaupré, la propriétaire du dépanneur.

Son père était mineur. «C'est triste, ce qui est arrivé, mais ça fait partie de la game.»

Nathalie St-Aubain est quant à elle propriétaire du bar les Ti-Cossins. Son mari travaille à la mine, mais à la surface. «C'est moins dangereux», dit-elle.

Le père de Marc Guay, l'un des trois disparus, est venu au bar lui demander les indications pour se rendre à la mine. «J'avais de la peine pour lui. J'avais de la misère à le regarder en face.»

Les employés de la mine, qui ont droit à du soutien psychologique, sont aussi sous le choc. L'homme qui a remonté l'ascenseur vide est hospitalisé à Chibougamau. «Il ressent beaucoup de culpabilité», explique Pierre Bernaquez.

Les activités sont suspendues, mais Ressources Metanor a laissé le choix à ses employés de rester sur les lieux ou de partir, souligne le surintendant aux ressources humaines. «C'est une grande famille. On est 70, ici... On vit dans les campements, on se côtoie dans les loisirs le soir. Cela a affecté tout le monde: les gardiens de sécurité, les gens dans les cuisines. C'est vraiment un deuil pour tout le monde.»