De tous les premiers rôles que s'adjuge la récente Ferrari California, le plus singulier est certes celui de faire un clin d'oeil à une clientèle féminine.

Première Ferrari à moteur V8 avant, première utilisation de l'injection directe sur ledit moteur et premier coupé cabriolet à toit rigide escamotable de l'histoire de la marque, la California se permet de plus de faire des avances à un auditoire qui craquait autrefois pour les plus belles Jaguar, félines dans leurs moindres détails.

Je n'ai pas eu à fouiller les statistiques de ventes pour en venir à cette constatation. Le jour même où je suis allé cueillir la nouvelle Ferrari California pour les besoins de cet essai chez Ferrari Québec, il y avait là un échantillon de ce modèle rendu encore plus flamboyant par sa couleur extérieure unique (Rosso Mugello) et ses cuirs d'un blanc crème (crema) immaculé. L'instant d'après, je serrais la main de la propriétaire de ce joyau motorisé.

«Je dirais que c'est sa grande civilité qui rend la California aussi attrayante pour ces dames», précise le directeur des ventes pour le Québec, Umberto Bonfa. En effet, on est loin du temps où les Ferrari refusaient de démarrer au moindre souffle d'humidité. Les voitures sont aussi devenues moins pointues et se prêtent davantage à un usage quotidien. Elles ne sont plus réservées à la promenade dominicale par beau temps et sont devenues plus faciles à conduire. Et c'est encore plus vrai avec ce coupé cabriolet auquel je me suis acclimaté en quelques minutes seulement.

Un régal nommé manettino

La seule vraie différence avec une voiture plus ordinaire est la boîte de vitesses robotisée F1 à sept rapports qui se manie à partir de deux immenses palettes fixées à la colonne de direction, à proximité des branches centrales du volant. L'une sert à monter les rapports, l'autre à rétrograder et il faut tirer sur les deux simultanément pour obtenir le point mort. Ou, si cela vous ennuie, vous pouvez placer la transmission en mode «automatique» et vous n'aurez plus qu'à vous régaler du son perçant et auquel on devient vite accro du moteur V8 qui se déchaîne sous le capot avant. Ce moteur, entièrement en aluminium, a déjà fait ses preuves puisqu'il est la source d'animation de la Maserati Gran Turismo et de l'Alfa Roméo 8C Competizione.

Dans la California, ses 453 chevaux s'expriment à travers la transmission précitée qui est, incontestablement, la pièce maîtresse de la voiture. On ne se lasse jamais de jouer avec les réglages au moyen de cette fameuse petite manette (manettino) fixée au volant qui modifie à votre guise les paramètres non seulement de la boîte de vitesses et de la suspension, mais aussi de la direction et du moteur.

Trois modes sont au programme: confort, sport ou CST, celui-ci étant à utiliser avec circonspection et uniquement si vous avez les aptitudes d'un pilote aguerri puisqu'il débranche tous les filets de sécurité, que ce soit le contrôle de la traction ou le système de stabilité. En mode sport, les vannes du système d'échappement s'ouvrent et on a droit à une amplification de la sonorité du moteur. Certains disent que c'est du bruit, d'autres de la musique, c'est selon.

Une finition en progrès

Bien calé dans un siège baquet que mon dos meurtri reconnaît comme l'un des mieux dessinés dans une voiture de sport, je fais face à un compte-tours à fond rouge qui m'annonce que des 10 000 tours affichés, 8000 sont autorisés avant que le moteur commence à bredouiller. C'est toutefois le cadran de droite qui fait pousser des exclamations aux jeunes qui s'arrêtent pour faire l'inventaire de la bête.

Le compteur de vitesse est étalonné jusqu'à 340 km/h, dont 325 sont véritablement praticables. Mais où, direz-vous? À l'extrême droite de la planche de bord, une petite plaque commémorative rend compte du Championnat du monde des constructeurs gagné par Ferrari en 2008, accompagné du numéro de série de la voiture.

La finition, autrefois très négligée des Ferrari, est plus appliquée et la marque de Maranello construit désormais suffisamment de voitures pour ne plus avoir à emprunter des boutons, leviers, ventilateurs ou autres bricoles à de plébéiennes Fiat.

Même si le nom Ferrari commande une surprime destinée à payer les coûts de la Formule 1, on a un peu plus l'impression d'en avoir pour son argent qu'autrefois. Seule anicroche, ce petit porte-verre qui s'extirpe du tableau de bord, fin prêt à salir votre belle moquette ou les cuirs immaculés de l'habillage intérieur.

Un coup d'oeil à l'arrière révèle une banquette étriquée sur laquelle ne se tiendront que des enfants inoculés par le culte Ferrari tellement l'exercice doit être douloureux.

Une aubaine

Mais, une Ferrari n'est pas à proprement parler une voiture de promenade pour la famille. Du moins, pas la California.

C'est une dévoreuse de kilomètres, malheureusement brimée par des limites de vitesse qu'elle serait en mesure de tripler sans la moindre difficulté.

La compensation vient alors du plaisir d'écouter son moteur déchirer l'air de ses vibratos stridents tout en s'abreuvant de soleil et d'air frais. Son toit rigide justement disparaît en une vingtaine de secondes et, une fois fermé, fait preuve d'une grande étanchéité.

Est-il besoin de revenir sur les performances spectaculaires de toutes les créations de Ferrari? La California fait honneur à son célèbre blason. Les accélérations initiales sont si foudroyantes que l'on arrive difficilement à passer les rapports assez vite pour ne pas toucher le limiteur de régime. Heureusement, on a prévu une série de diodes qui s'allument en succession sur le dessus du volant.

Comme si tout cela n'était pas suffisant, la voiture est livrée avec ce que l'on appelle le launch control, une technologie éprouvée en Formule 1. C'est alors l'électronique qui sert à optimiser les performances de la voiture afin d'obtenir, par exemple, un chiffre d'accélération de 3,9 secondes entre 0 et 100 km/h. Hallucinant!

J'ai conduit des Ferrari encore plus rapides, plus arrimées au bitume et plus typées, mais aucune n'offrait le confort, l'assurance et la solidité de cette California. Elle ouvre un nouveau chapitre dans l'histoire de la célèbre marque au cheval cabré, un chapitre ouvert à une clientèle différente, comme l'acheteuse citée au début. Mais il faut pouvoir assumer son prix de 262 000$ qui fait de la California la Ferrari la moins chère sur le marché.