Quand il est sur la route, Richard Roberge attire immanquablement l'attention. Et ce n'est pas parce qu'il conduit une rutilante Ferrari ou une Rolls-Royce jaune moutarde. Mais plutôt parce qu'il se promène... en corbillard.

Ce résidant de Roxton Pond, près de Granby, n'est ni nécrophile ni adepte de satanisme. Le métier de thanatologue ne l'a jamais intéressé. Et il jure ne pas avoir été influencé par la télésérie américaine Six pieds sous terre, dans laquelle la benjamine de la famille se promène dans un vieux corbillard vert et blanc.

Bref, Richard Roberge, 49 ans, possède un corbillard depuis quelques mois tout simplement pour être différent des autres. Et comme il se passionne pour les voitures et qu'il en a possédé plusieurs, il a voulu pousser l'originalité à son paroxysme. Et tant qu'à être original, il a pris soin d'installer dans son corbillard un véritable cercueil qu'il a acheté d'une entreprise de pompes funèbres en faillite.

Nous l'avons rencontré dans un petit restaurant de Roxton Pond, où des travailleurs qui viennent déjeuner se garent près de son corbillard et ne se formalisent plus de l'excentricité de ce barbu que tout le monde ou presque connaît dans le village. Vêtu d'un complet noir élimé et d'une chemise blanche, Richard Roberge nous explique avoir une drôle de relation avec la mort. Il a survécu à de nombreux - et très graves - accidents de la route. Il est d'ailleurs prestataire de la SAAQ depuis plusieurs années.

Cet artiste de l'aérographe (airbrush) a personnalisé son véhicule avec une fresque humoristique. Sur la grande porte arrière de son corbillard, il a en effet inscrit: «Un jour ça va être ton tour. C'est la vie; profites-en.»

«Ceux qui me dépassent sur la route me font des pouces en l'air tellement ils trouvent ça drôle, explique-t-il. Mais quand je suis dans le stationnement d'un supermarché, c'est drôle, personne ne vient jamais se garer à côté de moi!»

Le corbillard de notre excentrique personnage est un Cadillac Fleetwood 1994 dont l'odomètre affiche un maigre 88 000 km. Il est en parfaite condition. Coût d'achat: 10 000$, que Richard Roberge a financé à même son hypothèque. Il s'agit du neuvième Cadillac de M. Roberge. Dans le lot, il a déjà eu une limousine. Il ne lui manquait plus qu'un corbillard. Ce rêve a d'ailleurs failli ne jamais voir le jour: la SAAQ refusait d'immatriculer son véhicule qui, d'ordinaire, entre dans la catégorie des véhicules commerciaux.

Fait intéressant (ou troublant, c'est selon): cet ancien ouvrier possède également une Harley-Davidson derrière laquelle il traîne une petite remorque qu'il a modifiée, vous l'aurez deviné, en cercueil.

Notre singulier collectionneur de voitures n'a pas encore osé traverser la frontière américaine avec son véhicule. Il ne sait d'ailleurs pas s'il s'y risquera. Comment, en effet, expliquer à un douanier américain qu'on s'en va faire «un p'tit tour de machine» dans un corbillard noir qui brille comme un sou neuf?

Depuis qu'il est propriétaire de sa belle voiture servant à transporter les morts vers leur sépulture, Richard Roberge n'a jamais été interpellé par les policiers, si ce n'est le 24 juin dernier dans le cadre des fêtes de la Saint-Jean-Baptiste. Des parents, inquiets de voir un corbillard se promener près d'un important parc municipal de Granby, ont téléphoné aux policiers en leur signalant la présence d'une automobile sortant de l'ordinaire.

Richard Roberge ne sait pas s'il va s'amuser avec sa voiture le soir de l'Halloween ou s'il va demeurer peinard chez lui. On lui recommande d'y penser à deux fois avant de jouer les comiques en cette soirée où les policiers sont particulièrement sur le qui-vive...