Québec refuse d'indemniser les détaillants et les producteurs de fromages durement touchés par la crise de la listériose. Le gouvernement n'est pas une compagnie d'assurances, fait valoir le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, Laurent Lessard.

Cette sortie a fait bondir les fromagers, qui refusent de rendre les armes.

Selon le ministre, les entreprises ont la responsabilité de mettre en marché des produits sains. Ce sont donc à elles d'essuyer les pertes subies à la suite d'un rappel de produits contaminés.

«Il y a eu de nombreux rappels dans le passé, et je ne me souviens pas que le Ministère ait payé», a expliqué M. Lessard au cours d'une entrevue accordée à La Presse hier.

L'industrie du fromage ne touchera donc aucune indemnisation parce qu'«il faut être équitable avec tous ceux qui ont eu des rappels dans le passé».

De retour au travail après une opération à la mâchoire, le ministre Lessard a multiplié les entrevues et répété son message sur tous les tons. «Le gouvernement n'est pas là pour dédommager. On n'est pas une entreprise d'assurances», a-t-il affirmé sur les ondes de RDI.

Plus tôt ce mois-ci, à la suite d'une éclosion de la listériose, le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation (MAPAQ) a procédé à la destruction massive de fromages dans 300 points de vente au Québec. Les détaillants et les fabricants ont perdu des centaines de milliers de dollars. L'évaluation des pertes n'a pas encore été complétée.

L'industrie, qui a critiqué sévèrement le MAPAQ, réclame de l'aide. Des commerçants envisagent même de poursuivre le gouvernement, ce qui n'ébranle guère Laurent Lessard. «Si des gens trouvent qu'il y a matière à poursuivre Je pense qu'il y a assez d'avocats pour trouver que c'est le cas. Ils peuvent regarder leurs droits et les exercer», a-t-il affirmé.

Le directeur des affaires publiques de l'Association des détaillants en alimentation, Pierre-Alexandre Blouin, s'est dit «surpris» des déclarations du ministre. «On n'acceptera pas qu'il n'y ait rien. On n'abandonnera pas nos revendications», a-t-il insisté.

Selon Max Dubois, propriétaire de L'Échoppe des fromages de Saint-Lambert, le ministre «vient de se mettre les deux pieds dans la merde».

«Cette fin de non-recevoir va provoquer une crise. Dans quelques semaines, tous les petits vendeurs vont devoir payer leurs fournisseurs. Mais ils ont perdu une semaine d'inventaire! Et on ne vend plus de fromages depuis le début de la crise parce qu'il y a un doute chez le consommateur. Alors, ça risque d'être la faillite partout.»

Le MAPAQ a saisi et détruit pour 15 000$ de fromages dans la boutique de M. Dubois. «Si je n'ai pas d'aide de mes assureurs, je crashe dans un mois», a-t-il lancé. Il attend des nouvelles de sa compagnie d'assurances. D'autres détaillants ont appris que leur assureur ne couvrait pas les pertes causées par un tel rappel de produits, a-t-il souligné.

S'il écarte toute indemnisation, Laurent Lessard a évoqué la création d'une campagne de promotion du fromage pour «relancer» ce secteur après la crise. Il a d'ailleurs proposé cette mesure aux représentants de l'industrie qui, abasourdis, l'ont joint tour à tour hier pour obtenir des explications sur son refus d'indemniser. «Je suis confiant qu'on aura les éléments qu'il faut pour assurer la survie de ce secteur. Mais il ne faudrait pas que le ministre cherche à étouffer la crise. Il faut la régler», a dit le président du Conseil de l'industrie laitière, Pierre Nadeau, qui venait tout juste de s'entretenir avec le ministre.

Laurent Lessard a révélé que 39 producteurs de fromages sont au-dessus de tout soupçon à la suite de l'enquête du MAPAQ et que leurs produits peuvent être consommés. Quatre autres usines font toujours l'objet d'analyses du MAPAQ, dont les Fromageries Médard et de La Table ronde, les deux sources présumées de la contamination à la bactérie Listeria.