Critiquée de toutes parts à la suite de coupes dans bon nombre de programmes culturels, la ministre du Patrimoine, Josée Verner, a voulu se faire rassurante, jeudi, en affirmant que le gouvernement conservateur voulait mettre en place un outil plus efficace d'aide à la promotion des artistes canadiens à l'étranger.

Commentant pour la première fois les décisions du gouvernement qui a sabré dans des programmes de soutien aux artistes, Mme Verner a répété qu'elle ne remettrait jamais en question l'importance, pour les artistes, de rayonner sur la scène internationale.

En entrevue téléphonique, la ministre a néanmoins défendu les coupes effectuées dans les programmes culturels. Elle a soutenu que le gouvernement conservateur n'avait pas l'intention de laisser tomber les artistes mais qu'il voulait les aider d'une façon plus efficace.

«Ce qu'on envisage de faire (...) c'est de regarder comment on pourrait créer un nouveau programme ou de nouvelles avenues qui vont être encore plus performantes et avec un plus fort impact pour notre culture à l'extérieur du pays», a affirmé Mme Verner, qui admet que ces programmes «sont importants» pour les artistes.

La culture est un élément essentiel de l'identité d'un peuple et «il est faux de prétendre que je ne m'occuperai pas de la culture», a insisté la ministre Verner, désirant ainsi répondre à ses détracteurs qui l'accusent de ne pas se soucier de ce milieu.

La semaine dernière, quatre programmes de Patrimoine canadien et un autre relevant des Affaires étrangères ont été abolis en douce. Parmi ceux-là, on retrouve le programme PromArt doté d'un budget annuel de 4,7 millions $, qui offrait des subventions aux artistes pour promouvoir leur travail à l'étranger; et Routes Commerciales, au budget annuel de 9 millions $, qui apportait une aide financière aux entreprises culturelles souhaitant développer des marchés à l'étranger.

La décision d'abolir ces programmes découle de la révision annoncée dans le budget du printemps dernier. S'ils passent à la moulinette, c'est que ces programmes n'ont pas démontré que l'investissement fédéral avait suffisamment d'impact pour faire une différence, a expliqué la ministre Verner.

«Jamais je ne vais laisser tomber le milieu de la culture et je vais me battre toujours pour eux, a-t-elle déclaré. Mais la réalité, au moment où on se parle, c'est qu'on cherche aussi à être efficace et ça je pense que le premier bénéficiaire sera le monde la culture.»

Les explications de la ministre risquent peu de faire taire le milieu culturel et les partis d'opposition, qui dénoncent vivement ces choix et la manière dont les coupes ont été annoncées.

Le président du Mouvement pour les arts et les lettres, Stanley Péan, croit que pour le gouvernement conservateur «c'est une dépense, la culture, au lieu d'être un investissement dans l'identité de ce pays».

Raymond Legault, président de l'Union des artistes, partage l'avis de M. Péan. Il se dit peu surpris de la situation, expliquant que depuis leur accession au pouvoir, les conservateurs «soutiennent la culture sur le plan théorique, mais diminuent le

financement sur le plan pratique».

Au total, depuis le printemps dernier, 10 programmes de Patrimoine canadien ont été abolis, selon une liste dressée par le ministère, et disparaîtront au plus tard en mars 2010. Certaines de ces coupes ont été annoncées dans le budget de 2008.

Ces programmes sont: Routes commerciales (9 millions $); le Programme national de formation dans le secteur du film et de la vidéo (2,5 millions $); le Fonds canadien du film et de la vidéo indépendants (1,5 million $); le Programme du long métrage - volet éducation et accès (500 000 $); le Programme souvenirs de musique (500 000 $); l'Observatoire culturel canadien (560 000 $); Culture.ca (3,8 millions $); le Programme de distribution dans le Nord (2,1 millions $); Culture canadienne en ligne (5,6 millions $); et le Fonds Mémoire canadienne (11,5 millions $) .

Trois autres ont vu leur budget réduit substantiellement: le Programme de consolidation des arts et du patrimoine (3,5 millions $ en moins); le Programme d'aide au développement de l'industrie de l'édition (1 million $ en moins); et le Fonds canadien pour les magazines (500 000 $ en moins).

De passage jeudi à Longueuil pour une conférence de presse en compagnie de la candidate aux prochaines élections partielles dans Saint-Lambert, le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, a ajouté sa voix au concert de critiques qui dénoncent ces compressions budgétaires.

«C'est inacceptable et je ne veux pas que nos taxes et nos impôts servent à des gens qui ont une telle conception de la société québécoise et canadienne», a soutenu M. Duceppe.

Le Bloc souhaite d'ailleurs entendre les explications de la ministre en comité parlementaire, le plus tôt possible, avant la reprise des travaux aux Communes.

«Nous allons convoquer le comité du Patrimoine, si les libéraux et le NPD acceptent, et forcer la ministre à venir s'expliquer, a précisé M. Duceppe. Je ne peux accepter que pour des motifs idéologiques on coupe pour des économies de 23 millions $ des programmes jugés dans le passé comme performants au niveau de l'administration conservatrice.»

Il ne devrait pas avoir de difficulté à obtenir l'appui du Parti libéral et du Nouveau Parti démocratique, qui se montrent tout aussi virulents envers la ministre Verner.