La construction du nouveau CHUM au centre-ville de Montréal n'est même pas encore commencée que déjà on prévoit qu'il manquera cruellement de personnel pour y travailler. Le nombre d'infirmières et de médecins ne sera pas suffisant pour combler les besoins des patients.

Car en plus du futur CHUM qui aura 700 lits, l'hôpital Notre-Dame sera transformé en hôpital de proximité de 300 lits. Le centre-ville de Montréal devra donc desservir 1000 lits comparativement à environ 800 actuellement.

La pénurie d'effectifs est déjà criante au CHUM. Il manque 47 médecins pour combler les 701 postes disponibles. La direction du CHUM comptait sur le fait que le nouvel établissement aura moins de lits. «Nous ne ferons pas de congédiement dans le nouveau CHUM. Le nombre de médecins sera suffisant», affirme la porte-parole du CHUM, Lucie Dufresne.

Mais l'hôpital Notre-Dame devra lui aussi trouver des médecins. Combien y seront engagés? Impossible de le savoir. L'Agence de santé et de services sociaux de Montréal (ASSS-Montréal) n'a pas encore déterminé les effectifs de l'établissement. Dans le contexte actuel de pénurie de médecins, fournir des médecins à la fois au futur CHUM et à l'hôpital Notre-Dame semble difficile. L'ASSS reconnaît qu'il faudra «partager les ressources».

«On étudie différentes possibilités. Il se peut que les médecins spécialistes de pointe soient tous regroupés au nouveau CHUM et que certains médecins de deuxième ligne soient décentralisés vers Notre-Dame. Il faudra aussi faire du recrutement», explique la directrice des affaires médicales et universitaires à l'ASSS-Montréal, la Dre Louise Ayotte.

Cette dernière reconnaît que le processus sera complexe. Elle n'écarte pas l'idée que certains médecins travaillent à la fois au CHUM et à l'hôpital Notre-Dame pour combler tous les besoins. «Mais ce n'est pas dans la planification que l'hôpital Notre-Dame devienne une succursale du CHUM», précise-t-elle.

Les infirmières aussi

La pénurie de personnel dans le futur CHUM se fera également sentir chez les infirmières. Actuellement, plus de 20% des 2200 postes d'infirmières ne sont pas comblés.

Aux soins intensifs seulement, 98 infirmières manquent. Conséquence: l'hôpital ne peut ouvrir que 44 des 58 lits de soins intensifs disponibles.

Le nouveau CHUM aura 87 lits de soins intensifs. «Selon mes calculs, nous aurons besoin de 172 infirmières de plus aux soins intensifs. Si l'on ajoute notre déficit actuel, c'est donc 270 infirmières que nous devrons engager d'ici le lancement du nouveau CHUM. C'est mathématiquement impossible», dit le chef des soins intensifs du CHUM, le Dr Tudor Costachescu.

La tâche semble en effet insurmontable. Au cours des cinq dernières années, le bilan de recrutement aux soins intensifs du CHUM a été nul, voire négatif, à tout coup.

La pénurie d'infirmières au futur CHUM sera d'autant plus accentuée aux soins intensifs que l'hôpital Notre-Dame aura lui aussi une dizaine de lits de soins intensifs à remplir. «Certaines infirmières vont sûrement préférer rester à Notre-Dame», dit le Dr Costachescu.

Le président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), le Dr Gaétan Barrette, prévoit quant à lui que la pénurie d'infirmières dans le futur CHUM touchera non seulement les soins intensifs, mais tous les secteurs. «Le CHUM vit déjà une pénurie d'infirmières générale. L'attraction et la rétention de personnel est un mégaproblème et ça ne s'améliorera pas», dit-il.

Preuve que la capacité de rétention et d'embauche du CHUM est faible, le bilan d'embauches a été de -204 infirmières de 2002 à 2007 dans l'établissement, révèlent des documents obtenus en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

Selon le Dr Barrette, le CHUM perd ses employés «pour des raisons banales du quotidien». Par exemple, le fait qu'il soit impossible de stationner sa voiture au centre-ville de Montréal rebute les employés. «Le nouveau CHUM n'aura que 1500 places de stationnement pour le personnel et pour le public. Il faudrait au moins 3000 places pour que tout le monde soit bien servi, dit le Dr Barrette. C'est ce genre de détail qui repousse les candidats.»

Le Dr Costachescu est du même avis. «Les infirmières préféreront travailler dans un hôpital de banlieue où il y a du stationnement», dit-il.

Le CHUM reconnaît que les infirmières manqueront dans son nouvel établissement. «La pénurie d'infirmières est déjà criante au Québec et elle sera pire dans les prochaines années. Il est certain que le futur CHUM prévoit manquer d'infirmières», reconnaît Mme Dufresne, sans toutefois chiffrer les manques prévus.