Bons avions, bons employés, grandes retombées économiques: le premier ministre Jean Charest avait la mine réjouie et le compliment facile, hier, à Mirabel, en évoquant le lancement de la CSeries. Car ce projet, a-t-il soutenu, ne profitera pas qu'aux 3500 travailleurs qui seront embauchés d'ici à 2017. Le gouvernement et tous les contribuables québécois reverront la couleur de l'argent investi dans cette aventure.

Le gouvernement du Québec a accepté de débourser 118 millions dans le projet de Bombardier, et le gouvernement fédéral, 350 millions. «Beaucoup de gens ont l'impression que l'État donne directement cet argent. C'est faux, a insisté hier Jean Charest. Chaque fois qu'un avion sera vendu, une redevance reviendra au gouvernement. Plus on vend d'avions, plus on est remboursé, plus on fait d'argent. Cette formule a été rentable dans le passé, et elle le sera encore. C'est donc une bonne nouvelle pour tous les contribuables.»

«b»Des félicitations aux travailleurs»/b»

Le premier ministre a été très élogieux envers les syndiqués de Bombardier. «Deux choses ont été essentielles dans la décision: la qualité de la main-d'oeuvre et les programmes de formation.» Il a aussi félicité les travailleurs d'avoir fait certaines concessions au moment de la signature de leur convention collective, en juin dernier. «Vous avez fait ce que vous avez cru nécessaire pour que cet investissement vienne au Québec. C'est une grande fierté pour tout le Québec.»

«C'est très flatteur, cela confirme qu'on est dans les meilleurs au monde dans le domaine», s'est exclamé Sébastien Garneau, le bras tendu pour essayer de photographier le premier ministre Jean Charest à l'aide de son téléphone portable.

Le président du syndicat des machinistes de Bombardier, Dave Chartrand, a parlé d'une «grande victoire»: «Ça fait quatre ans que nous avons entamé les pourparlers pour obtenir ce contrat, et c'est la qualité de la main-d'oeuvre d'ici qui a fait toute la différence.» Il a refusé par ailleurs de qualifier de «concessions» les nouvelles dispositions de la convention collective signée en juin dernier: «J'estime plutôt que nous avons investi dans l'industrie aérospatiale du Québec.»

Et même si la plupart des employés interrogés par La Presse n'étaient pas surpris de la décision de Bombardier, leur soulagement était néanmoins palpable, hier, dans la grande usine de Mirabel. «Il ne se passe pas une semaine ou presque sans qu'on annonce des pertes ou le transfert d'emplois dans le secteur manufacturier. Alors quand on annonce la création de 3500 emplois au moins, car ce sera certainement plus, on peut dire qu'il s'agit d'une journée mémorable», a dit Michel Arsenault, président de la FTQ.

La veille encore, 450 personnes ont été licenciées à Trois-Rivières par la société américaine Aleris.

Le maire de Mirabel, Hubert Meilleur, espère de son côté que les 1200 employés qui seront embauchés à l'usine de Mirabel viendront gonfler les rangs de sa municipalité. «Les retombées pour la région vont se calculer en millions de dollars par année. Des gens vont s'établir ici, des hommes et des femmes qui auront de très bons salaires, a-t-il noté. L'avenir peut être inquiétant quand le contexte économique semble plus précaire, mais cette annonce nous assure une belle stabilité pour les 20 prochaines années.»

Ballivy, ViolaineEt la main-d'oeuvre?Les centres de formation du secteur de l'aérospatiale devront redoubler d'efforts pour assurer la formation des centaines de Québécois qui seront embauchés par Bombardier d'ici à 2013.

À la suite des événements de septembre 2001 et des annonces de mises à pied successives dans les grandes entreprises d'aviation, les inscriptions ont chuté dans les écoles spécialisées, et le recrutement est difficile. «La qualité de la formation est là, mais maintenant il faut répondre aux besoins au plan de la quantité, et ce sera difficile», a signalé hier François Desrochers, député adéquiste de la circonscription de Mirabel.

Le président de la FTQ, Michel Arseneault, a reconnu hier que le défi sera de taille: «Il va falloir travailler d'arrache-pied pour que les jeunes reprennent confiance dans la formation dans les métiers de l'aérospatiale, non seulement pour le développement de cette nouvelle série d'appareils, mais également pour assurer la pérennité de notre expertise dans ce domaine.»

Depuis plusieurs années, le ministère de l'Éducation du Québec fait des campagnes de promotion en faveur des formations spécialisées, mais elles ne semblent pas donner les résultats attendus. Les 10 maisons d'enseignement spécialisées en aérospatiale du Québec doivent dévoiler aujourd'hui leur plan d'action pour répondre à cette hausse des besoins aussi subite qu'importante.