Le Conseil de la fédération, dont la réunion vient de se terminer, est le plus gros et le mieux connu des outils dont dispose le Québec pour faire entendre sa voix au sein du Canada. Mais peu de gens savent que la province dispose aussi d'une arme plus discrète: le Bureau du Québec à Ottawa qui célèbre cette année un siècle d'existence.

L'institution a vu le jour officiellement en 1984 sous l'impulsion de René Lévesque et dans la foulée du «beau risque». Mais ses racines remontent à beaucoup plus loin. Dès 1908, le Québec a en effet senti le besoin d'avoir un représentant dans la capitale fédérale.

«Ambassade» pour les uns, nid d'espions pour les autres, l'institution a pour responsabilité première de défendre les intérêts du Québec, tels que définis par le gouvernement provincial en place.

À l'époque du Parti québécois, le chef de poste avait ainsi comme instruction de préparer la souveraineté, en côtoyant les dignitaires étrangers. Il n'est évidemment plus question de cela depuis l'arrivée au pouvoir des libéraux dans la Vieille Capitale en avril 2003.

Le mandat du premier agent général consistait à s'assurer que les chantiers maritimes du Québec obtiennent leur juste part des contrats d'armement du pays à la veille de la Première Guerre mondiale. Avec le temps, le représentant est devenu «attaché politique», puis «délégué» et finalement «chef de poste».

En un siècle, l'emploi a notamment été occupé par un ancien journaliste, un fonctionnaire et un notaire. Son titulaire actuel, André Bachand, est un ancien député conservateur proche de Jean Charest, qui flirte ouvertement avec l'idée d'un retour au parlement au sein de l'équipe de Stephen Harper.

Le chef de poste ne travaille plus seul à partir de sa chambre d'hôtel depuis longtemps. À son apogée, dans les années 1990, le BQO comptait en effet une quinzaine de conseillers.

Son équipe est aujourd'hui réduite à quatre personnes qui se consacrent entièrement aux affaires intergouvernementales. Comme le résume M. Bachand, il s'agit de suivre «tout ce qui se passe dans un rayon de 1 km de la colline parlementaire».

Le personnel du BQO garde ainsi un oeil sur la période des questions, les comités et les conférences de presse. Grâce à leurs contacts dans tous les partis et à tous les échelons de l'appareil bureaucratique fédéral, les employés du BQO demeurent aussi au fait des tractations et débats de coulisses.

La technologie leur permet de faire de plus en plus de choses à distance. Mais malgré les coûts qu'elle entraîne, la présence d'une délégation à quelques pas de la Tour de la Paix demeure essentielle. «Il faut être au coeur de l'action. Le menu législatif peut aller très vite. À distance ou sur Internet, tu ne peux pas percevoir la dynamique», insiste le chef.

Le BQO n'a pas le mandat de négocier. «Nous sommes plutôt les yeux et les oreilles du gouvernement du Québec» explique-t-il. Le personnel du Bureau fait rapport au Secrétariat aux affaires intergouvernementales (SAIQ) qui relève du ministre Benoît Pelletier.

La liste des choses à surveiller arrive de Québec, dans un cartable à anneaux que M. Bachand garde sur son bureau. Pas question que le délégué en dévoile le contenu. Qu'il suffise de savoir que la péréquation, la réforme des institutions démocratiques, la réfection des infrastructures et les mesures de soutien économique sont toujours sur l'écran radar.

À l'occasion, le bureau sert d'interprète entre le gouvernement provincial et celui d'Ottawa. Les politiciens et les bureaucrates des deux capitales ne parlent pas toujours le même langage, au sens propre comme au figuré.

André Bachand a ainsi dû décortiquer pour les fonctionnaires fédéraux les demandes du Québec concernant l'UNESCO. «Beaucoup de gens dans l'appareil ne comprenaient pas ce que le Québec voulait vraiment. En plus Ottawa et certains autres pays européens avaient peur de créer un précédent. On les a rencontrés», raconte-t-il.

À l'inverse, il s'agit parfois de décoder ce qui se passe au parlement fédéral pour les élus et les bureaucrates de la Vieille Capitale. «On a dégonflé plusieurs rumeurs d'élections, explique Hugues Théoret, un ancien attaché de presse de Gilles Duceppe qui travaille au BQO depuis quelques années. Quand tu connais leurs joueurs un peu, tu sais qu'il y a une partie d'art oratoire.»

André Bachand reconnaît qu'il est difficile de mesurer le succès du BQO. Il soutient toutefois que les choses avancent.

«Quand je suis arrivé, la liste des priorités faisait deux pages. Aujourd'hui, c'est une et on pourrait probablement la réduire à trois quarts, fait-il valoir. Il y a des choses qui se règlent.»