L'ex-ministre des Affaires étrangères Maxime Bernier a violé les règles de son ministère en oubliant des documents chez Julie Couillard. S'il n'a pas mis la sécurité nationale en danger, il a néanmoins nui à la réputation du Canada à l'échelle internationale.

C'est ce que conclut un rapport interne du ministère des Affaires étrangères rendu public en catimini hier soir, après les heures de bureau. L'examen administratif avait été lancé après la démission spectaculaire du ministre, en mai dernier.

Les partis d'opposition sont aussitôt tombés à bras raccourcis sur le gouvernement Harper. «Ce n'est pas la fin de cette histoire. S'ils pensent qu'ils peuvent s'en sortir en publiant ce rapport un vendredi soir, au début d'un long week-end, ils prennent visiblement les Canadiens pour des idiots», a tempêté le député néo-démocrate d'Ottawa, Paul Dewar.

Daté du 16 juillet, le rapport de 10 pages explique que les fameux documents étaient constitués d'un cahier d'information préparatoire au sommet de l'OTAN, d'un cahier en format poche de «scénarios» pour le programme du sommet et d'un cahier de presse destiné aux porte-parole.

Certains étaient classés «secrets», «confidentiels» ou «pour usage interne à l'OTAN». Or, comme le sommet était terminé lorsque le ministre les a oubliés chez sa compagne, les raisons justifiant la confidentialité des documents «ne s'appliquaient plus», ont écrit les auteurs.

«L'incident portait préjudice à l'intérêt national du fait qu'il ternissait la réputation du Canada au sein de l'OTAN en ce qui a trait à la protection des renseignements», ont-ils toutefois ajouté. Ils ont cependant précisé que leurs partenaires sauraient sans doute faire la distinction entre des problèmes individuels et des problèmes institutionnels.

Violation des règles

Les enquêteurs - l'agent de sécurité du Ministère et deux consultants de la firme BMCI Investigations and Security - ont néanmoins relevé plusieurs violations des règles du ministère des Affaires étrangères en matière de manipulation et de transport de documents secrets.

On note le fait que M. Bernier a laissé ses notes secrètes sans surveillance dans sa chambre d'hôtel à Bucarest, qu'il se soit promené avec une mallette non verrouillée pendant la durée du sommet et qu'il n'a pas établi de système de numérotation adéquat des dossiers confidentiels dans son ministère.

Toutes les recommandations formulées dans le rapport visent à améliorer la formation, l'information et l'encadrement de fonctionnaires et d'employés du cabinet du ministre et des fonctionnaires du Ministère pour la manipulation de documents confidentiels.

Le bureau du premier ministre a indiqué qu'il était disposé à mettre ces recommandations en oeuvre.

Julie Couillard n'a pas collaboré à cette enquête. L'information provient donc de Maxime Bernier seul et de 14 fonctionnaires interrogés.

M. Bernier a notamment affirmé qu'il n'avait aucun souvenir d'avoir sorti les documents secrets de sa mallette, entre le 4 et le 5 avril, au domicile de Mme Couillard. Il a ajouté que celle-ci ne lui a pas mentionné qu'elle était en possession de ces notes; du moins, pas avant que son avocate, Nadine Touma, téléphone au chef de cabinet du ministre Bernier le 25 mai pour l'en informer.

Le lendemain, Maxime Bernier a remis sa lettre de démission au premier ministre Stephen Harper. En soirée, TVA a diffusé la fameuse entrevue exclusive avec Julie Couillard.

Questions en suspens

C'est le Bloc québécois qui, en mettant des journalistes sur la piste des liens que Julie Couillard avait entretenus avec des membres du crime organisé, est à l'origine de l'affaire «Bernier-Couillard». Hier, Serge Ménard, l'un des porte-parole du Bloc dans le dossier, était plutôt déçu.

«C'est bien mince. Les questions les plus importantes n'ont pas été posées», a-t-il dit. «Pourquoi Mme Couillard a-t-elle gardé ces documents aussi longtemps? Est-il vrai qu'elle a tenté de les faire évaluer par quelqu'un pour savoir ce qu'elle pourrait en retirer?»

Mme Couillard a toujours refusé de témoigner devant le comité parlementaire qui s'est penché sur le dossier, au printemps. Serge Ménard estime que le comité aura du pain sur la planche au retour des vacances. Il compte notamment demander à voir les documents en question.

«Le fait que Mme Couillard n'a pas été interviewée fait du rapport une entreprise de balayage sous le tapis, a pour sa part dénoncé le critique libéral en matière d'affaires étrangères, Bob Rae. Ils admettent qu'ils n'ont aucune idée de la manière dont elle a obtenu les documents, de ce qu'elle a fait avec ou de la raison pour laquelle elle n'a pas dit qu'elle les avait.»

«Tout le reste, a-t-il conclu, est un moyen de fermer la porte de la grange longtemps après que les chevaux, les poulets et les chats se sont sauvés.»