Les rues jonchées de papiers gras, de verre et d'autres détritus, les poubelles dégoulinantes: la grève des agents de nettoyage s'ajoute aux déboires accumulés par Madrid, une capitale européenne en quête de reconnaissance et de touristes.

«Aujourd'hui, on m'a rapporté les premières annulations. Si la grève continue dans les prochains jours, il va y avoir des répercussions très graves» sur le tourisme, affirme Antonio Gil, le président de l'association des entreprises hôtelières de la capitale espagnole.

Les services de nettoyage des rues et des jardins de cette ville de 3,2 millions d'habitants sont en grève illimitée depuis le 5 novembre contre un plan social et le blocage des négociations entre les entreprises privées concernées et syndicats ne laisse présager aucune sortie de crise.

Les syndicats dénoncent un plan de 1135 suppressions de postes, sur presque 7000, dans les entreprises sous contrat avec la mairie, venant s'ajouter à 350 emplois déjà supprimés en août, ainsi que des baisses de salaires pouvant aller jusqu'à 40%.

«Madrid souffre beaucoup. En très peu de temps, s'est accumulée une série de facteurs difficilement imaginables sur une si courte période: le fait que Madrid n'ait pas été retenue pour les Jeux olympiques, la chute du tourisme, et maintenant la grève du nettoyage», souligne Hilario Alfaro, le président de la confédération des commerçants de Madrid.

«Nous traversons un passage à vide, une accumulation de situations qui porte un coup au développement de Madrid», regrette-t-il.

La colère se tourne en particulier contre la gestion du maire de la ville, Ana Botella, épouse de l'ex-chef du gouvernement conservateur José Maria Aznar, arrivée sur le tard en politique.

L'ironie l'emporte d'ailleurs parfois sur la colère.

«Dites-nous: quand (le chef du gouvernement Mariano) Rajoy vous a passé la direction de cette chère ville, quelqu'un vous a expliqué comment être maire?», lance la numéro 2 du parti socialiste Elena Valenciano sur sa page Facebook, estimant que les poubelles «sont sur le point de créer un grave problème de santé publique».

Ana Botella est la cible de critiques acerbes depuis une bousculade dans une salle des fêtes de Madrid, fin 2012, où cinq jeunes filles avaient trouvé la mort et surtout depuis que la candidature de Madrid aux Jeux olympiques de 2020 a été rejetée en septembre, face à Tokyo.

Elle avait alors été particulièrement raillée pour son discours décalé vantant les mérites de Madrid comme la ville où il est agréable de prendre «A relaxing cup of café con leche» (Une relaxante tasse de café au lait).

Répondant aux critiques mercredi, Ana Botella a dénoncé une «grève sauvage» et «l'attitude de vandalisme et de sabotage» de certains grévistes qui empêchent la mise en place du service minimum.

Elle a également menacé les entreprises de recourir, à leurs frais, à une entreprise publique si «un accord mettant fin à ce conflit» n'était pas trouvé dans les 48 heures.

Les hôteliers sont inquiets, d'autant que Madrid, une ville qui souffre d'un manque d'image forte, «traverse depuis plusieurs années une crise importante» du tourisme, relève Antonio Gil.

Sur les huit premiers mois de l'année, 2,76 millions de touristes se sont rendus à Madrid, soit 7,7% de moins qu'en 2012, alors même que le nombre de touristes a augmenté de 4,5% dans le pays, troisième destination touristique au monde.

Loin de la campagne de promotion espérée, cette grève, «au contraire, donne une image de Madrid négative» et pourrait faire fuir les touristes qui viennent habituellement plus nombreux pour les fêtes de Noël, regrette-t-il.

Pour l'heure, les visiteurs étrangers semblent, eux, plutôt compréhensifs.

«J'adore cette ville. C'est dommage. Ils n'ont pas de chance, déjà qu'ils ont perdu les jeux, si en plus ils n'ont plus de touristes, ça va être difficile», dit Joan Simoes, un touriste portugais de 30 ans qui tente de prendre en photo son ami en évitant les déchets jonchant la rue.

«Pour l'instant, ça va encore, mais ils devraient faire quelque chose, car ça va bientôt puer», relève Anna Shultz, une touriste étudiante allemande de 20 ans.