Les incertitudes liées à la pandémie de grippe H1N1 risquent d'entraver la reprise du tourisme international, malmené par la crise économique, et incitent les voyageurs à rester au pays, un phénomène qui persiste surtout en Asie.

Traumatisés par le SRAS et la grippe aviaire, de nombreux touristes asiatiques ont renoncé à voyager à l'étranger ou portent des masques quand ils s'aventurent en dehors de leurs frontières, selon des participants à l'assemblée générale de l'Organisation mondiale du tourisme (OMT) à Astana.

«Le tourisme est le secteur le plus affecté et subit 50% des pertes de l'économie mondiale engendrées par la grippe», a déclaré mardi Dirk Glaesser, responsable de la gestion des risques de l'OMT. «Rien que pour le Mexique, le coût de la grippe s'élève à trois milliards d'euros», a-t-il ajouté.

Les pertes de l'industrie du tourisme dues au virus H1N1 pourraient atteindre jusqu'à 2.200 milliards de dollars en 2009 et 2010, comparé à 25 milliards de dollars pour le SRAS, avait prévenu en mai John Walker, dirigeant du cabinet d'études anglais Oxford Economics.

Malgré le passage au niveau 6 de la pandémie, l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) n'a pas déconseillé les voyages et n'a pas préconisé la fermeture des frontières.

«Il n'y a pas lieu de paniquer, mais le virus est imprévisible et continue à peser sur notre industrie», a commenté Taleb Rifai, secrétaire général de l'OMT. L'organisation table sur une baisse de 5% du tourisme international cette année, mais prévoit un rebond début 2010, sauf crise majeure.

Hong Kong, destination très prisée avec 29,5 millions de visiteurs par an, a fait les frais de la psychose: de mai à juillet, le nombre de visiteurs venant d'Europe et des Etats-Unis a baissé de 20%, une chute qui a atteint entre 30 et 40% pour les voyageurs en provenance d'Asie.

«Les touristes asiatiques ont préféré rester chez eux, cela leur a rappelé le SRAS et la grippe aviaire. Mais depuis que les mesures de quarantaine ont été levées en juillet à Hong Kong et ailleurs en Asie, ils ont été rassurés», explique Margaret Fong, commissaire du Tourisme de Hong Kong.

En août, la tendance s'est inversée, avec une hausse de 8% pour les visiteurs européens et américains et de 4 à 5% pour les touristes asiatiques. Les habitants de Hong Kong ont eux-mêmes freiné brutalement leurs voyages à l'étranger (-40% en mai et juin) avant de les reprendre en août (+30%).

La psychose avait débuté fin avril, après l'alerte à la grippe porcine lancée par le Mexique. Depuis, le virus s'est répandu dans le monde entier: «le Mexique n'est plus associé à la grippe, même les Chinois sont de retour», assure Alfredo Perez Bravo, chef de la délégation mexicaine de l'OMT.

«C'était la panique en Corée du Sud, le gouvernement a déconseillé aux gens de voyager à l'étranger», témoigne Kim Kuensoo, délégué de l'organisme du tourisme sud-coréen. Les voyages à l'étranger ont chuté de 26,6% de janvier à août, «mais les chiffres de septembre sont meilleurs», explique-t-il.

Quant aux Japonais, «ils sont toujours réticents à voyager à l'étranger, mais ils savent désormais qu'ils ont autant de chances d'attraper la grippe à Londres qu'à Tokyo», confie Yoshio Yamamoto, représentant du ministère japonais du Tourisme.

Les voyages des Japonais à l'étranger ont chuté de 18,3% en mai et de 25,5% en juin, avant de rebondir (+2,2%) en août. Au plus fort de la psychose, poursuit-il, «les Japonais avaient peur de s'approcher d'un aéroport, mais maintenant ils se sont habitués au risque».