Chaque matin, Georges Devloo allait fleurir la tombe de son épouse, au cimetière de Vimy. Puis, il se rendait à la gare pour attendre d'éventuels touristes canadiens venus visiter le célèbre monument rendant hommage aux soldats qui ont laissé leur vie sur cette colline du nord de la France. Si quelques-uns se pointaient, M. Devloo se faisait un plaisir d'y amener la visite.

Mais ce ne sera plus le cas. Car le grand-papa de Vimy, comme on l'appelait, est mort le vendredi 6 février. Sa disparition est pleurée par des dizaines, voire des centaines de jeunes Canadiens qui, au fil des ans, ont décroché un emploi d'été comme guide au monument de Vimy. M. Devloo s'était fait copain avec chacun d'eux.

 

«Lorsque de nouveaux guides étaient embauchés à Vimy, les anciens leur disaient de prendre bien soin de M. Devloo, se souvient Karine Di Genova, qui a travaillé aux sites de Beaumont-Hamel et de Vimy au tournant des années 2000. M. Devloo faisait partie de notre quotidien. Il venait régulièrement porter des fleurs à la maison habitée par les guides.»

Des fleurs et des légumes aussi, se rappelle Annick Brabant, qui demeure actuellement à Paris et qui avait visité M. Devloo il y a à peine deux semaines. «Vimy est un petit village, sans hôtel. Lorsque les gens arrivaient à la gare, ils étaient un peu perdus, d'autant plus que le site est éloigné de la gare (5 kilomètres). M. Devloo s'occupait d'eux. Il parlait très peu anglais et lorsqu'il accueillait des Canadiens anglais, il leur disait: «I go to the monument.» Quand il avait le temps, il amenait les visiteurs chez lui pour boire du thé et manger des gaufrettes flamandes (il était d'origine belge). Parfois, les gens couchaient même chez lui.»

Vimy est le site de la plus grande bataille dans l'histoire de l'armée canadienne. Le 9 avril 1917, des milliers de soldats se sont lancés à l'assaut de cette crête détenue par les Allemands dans la région d'Arras. Au terme de trois jours de violents combats, les Canadiens ont conquis la colline, mais au prix de 3598 morts et plus de 10 000 blessés. Après la guerre, la France a cédé à perpétuité le sommet de la crête au Canada. Un immense monument y est érigé.

Depuis la mort de sa femme, il y a 13 ans, Georges Devloo consacrait beaucoup de son temps à faire connaître les lieux aux visiteurs. Avec les jeunes guides, il était intarissable et généreux. Il a même montré à plusieurs comment conduire une voiture manuelle à bord de sa Citroën.

En 2003, il est venu voir ses jeunes amis au Canada. Il a par la suite effectué deux autres visites, couchant chez les uns et les autres. «Ce n'est pas tant le pays que les gens qu'il voulait voir», dit Annick Brabant.

La réputation de M. Devloo était si connue que mardi dernier, le ministre des Anciens Combattants, Greg Thompson, a tenu à lui rendre hommage. «Le Canada a perdu un véritable ami, un ami de la commémoration», a déclaré le ministre.

Un site à sa mémoire a été ouvert sur Facebook (I Heart M. Devloo). Les témoignages de sympathie à son endroit sont nombreux.

M. Devloo a été inhumé jeudi, dans le cimetière de Vimy, face à la gare où il aimait tant aller au-devant de nouveaux amis canadiens...