Le festival de la chanson de Tadoussac - l'un des plus charmants qui soient - commence demain. Mais le plus beau, c'est qu'on chante tout l'été dans ce village entouré d'eau. Après le festival, ce sont aussi les baleines qui s'en chargent, et attirent, jusqu'en septembre, des visiteurs du monde entier.

À la nuit tombée, la lueur des lucarnes ponctue les rues noires de Tadoussac. Le calme est trompeur, car au pied de leur pente, l'eau qui dort grouille de géants.

À quelques kilomètres du village, les campeurs peuvent entendre leur souffle puissant jusque dans les tentes. Loin d'avoir peur, ils ne rêvent que d'une chose: les voir. Car ces monstres marins ne sont pas venus croquer des touristes. Chaque été, les baleines reviennent avaler le krill et les poissons qui abondent dans le parc maritime du Saguenay-Saint-Laurent. Fait exceptionnel, cette année, elles y plongent depuis déjà un mois.

Bien emmitouflés dans un bateau pneumatique qui claquait sur les vagues, il y a quatre jours, on a soudain vu jaillir un geyser de vapeur. Le dos d'un rorqual commun - aussi long que deux autobus scolaires - s'est ensuite cambré plusieurs fois au-dessus de l'eau. Tout près, une baleine à bosse venait de plonger en nous montrant sa queue immaculée.

Les capitaines qui trinquent sur la terrasse de l'auberge de jeunesse appellent cette baleine Blanche-Neige. Depuis quelques semaines, ils célèbrent aussi le retour de Capitaine crochet ou de Tic Tac Toe. «Les queues des baleines, leurs cicatrices et leurs nageoires dorsales sont toutes différentes les unes des autres. C'est comme ça qu'on peut les baptiser», explique Steve Servant, de Croisières 2001.

Avec des centaines de sorties à leur actif - quand ce n'est pas des milliers -, les capitaines se fient à leur flair. «Si on connaît le comportement des baleines, on les trouve facilement. On se sert des courants, des vents, des bancs de poissons», expose Hugues Durocher, de l'entreprise innue Essipit.

C'est ici, à l'auberge, que l'industrie de l'observation est née, il y aura bientôt 40 ans; lorsqu'on a compris que les touristes venus pour la pêche repartaient beaucoup plus impressionnés après avoir frôlé une baleine qu'après avoir attrapé de la morue.

«À l'époque, on chargeait 2$ pour amener les gens dans nos bateaux à rames», se souvient Jean-Roger Otis, qui reprend aujourd'hui le flambeau allumé par son père Henri.

Près de quatre décennies plus tard, le nombre d'excursionnistes (250 000 par an) et de bateaux (54) a explosé. Tout comme les prix (64$ pour une excursion de deux heures, 74$ pour trois heures).

Le bon côté, c'est que ces sorties en mer ont sauvé le village. Et que les biologistes locaux veulent qu'elles contribuent maintenant à sauver les baleines, en sensibilisant les visiteurs à leur sort. «Si on veut garder notre gagne-pain, et ne pas les faire fuir, on doit se comporter en bergers», résume Hugues Durocher.

Petit budget

Quand on n'a pas le pied assez marin (ni le budget) pour se rendre au large, les options ne manquent pas.

Les grandes baleines bleues et les grands rorquals se tiennent surtout en eaux très profondes. Mais les bélugas et les petits rorquals (de trois à six fois moins longs) montrent sans arrêt leur bec ou leur nageoire dorsale le long des côtes de l'estuaire et du Saguenay.

Pour les apercevoir, il suffit souvent de marcher sur la jolie promenade en bois qui encercle la Pointe-de-l'Islet, à Tadoussac.

Moyennant quelques dollars, le centre d'interprétation de Pointe-Noire (juste avant Tadoussac) et celui du Cap-de-Bon-Désir (situé à Bergeronnes) offrent aussi de bons postes d'observation. C'est aussi le cas des rochers du camping Paradis marin (également payant).

Autre option: s'incruster à bord du traversier qui fait gratuitement la navette entre les deux rives du fjord du Saguenay, et scruter longtemps les eaux.

Les sportifs préfèreront partir en kayak. Des excursionnistes très chanceux voient parfois des bélugas passer sous leur embarcation, ou racontent avoir entendu leur chant semblable à celui d'un oiseau.

Cela dit, dans l'immensité du fleuve, même les géants peuvent sembler petits. D'où l'intérêt du Centre d'interprétation des mammifères marins, un petit musée fascinant, où l'on découvre des fanons de rorqual, des dents de cachalot et des mâchoires de baleine bleue absolument interminables.

Émerveillement garanti devant les enregistrements de ces mammifères marins, qui chantent, sautent et batifolent de leurs 50 ou 150 tonnes.

C'est aussi l'occasion de comprendre comment les baleines peuvent bien descendre d'un animal terrestre, qui ressemblait... à un chien.